Nice-Matin (Cannes)

Ho Lui se dessine à travers les visages des inconnus

Le célèbre artiste chinois qui oeuvre dans la rue James-Close met de côté les portraits de ses visiteurs. Désormais, à travers les traits de ses clients, il ne dessinera plus qu’un visage : le sien

- ÉMILIE MOULIN emoulin@nicematin

ÀAntibes, il suffit de se balader quelques minutes avant de repérer une silhouette au crayon gris ou une petite sculpture sur un mur. Ça, c’est Ho Lui. Une enfance à Shanghai, des études à Paris, des milliers de portraits dans la cité des Remparts. Depuis qu’il habite la rue James-Close, l’artiste en a tracé, des coups de stylos bics. Une seule ligne pour dessiner un visage. Dans ce sourire qui le caractéris­e tant, il glisse : « J’ai toujours eu une facilité pour la ressemblan­ce. » Mais derrière sa carrière de portraitis­te, une idée l’a toujours torturé : « Est-ce que je gagne ma vie en flattant les gens ? ». Parce que oui, Ho Lui embellit les

personnes qu’il les dessine. Sans faire exprès. C’est naturel. « Alors, j’ai eu envie d’arrêter. Maintenant, je me dessine moimême. Et je me sens beaucoup mieux ! » s’exclame-til. Attention : cela ne veut pas dire qu’il ne prendra plus de modèle… Bien au contraire ! « Avant, il y avait toujours un peu de moi dans mes portraits. Maintenant, c’est le contraire. Il y a 5 % du modèle dans mon autoportra­it. C’est un nouveau concept. » Le dessinateu­r a déjà tenté l’expérience. Cet été, lorsqu’une mère a pris la pose avec son bébé. « J’ai mis ma tête sur leur corps . Quand elle a vu le résultat, la femme était surprise mais elle a accepté» , raconte-t-il.

Entre ses rapides coups d’oeil entre le papier et l’humain, Ho Lui capte «la petite chose précieuse dans la personne en face » . Une particular­ité, un détail. De la gentilless­e, de la mélancolie, le reflet des yeux, la courbe de ses joues. «Ce qui est beau, c’est qu’on ne fait plus qu’un dans le dessin, alors que nous sommes des inconnus», souligne-t-il. Ho Lui s’amuse à se comparer à Martin Luther. « Comme il a révolution­né la religion, je révolution­ne l’art du portrait ! » Alors, à la fin de chacune de ses oeuvres, l’artiste signe désormais : «Ho Lui qui va devenir Martin Luther dans l’art. »

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(Photo E. M.) Le petit Diego sert de modèle devant l’atelier de Ho Lui, rue James-Close.

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