Nice-Matin (Cannes)

Un village

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être passée par les prud’homies de Sanary et de Saint-Raphaël, « il est important de restaurer un lien entre le pêcheur et le consommate­ur ». Telle est, selon elle, « l’une des conditions essentiell­es qui permettra de pérenniser la pêche artisanale ». Pour cela, « c’est par la sensibilis­ation qu’il faut passer », estime de son côté Céline Casamata, secrétaire du Comité départemen­tal de pêche des Alpes-Maritimes. Et charge aux pêcheurs de « jouer le jeu », de faire aussi quelques efforts dans ce sens. « Avec leurs textes régis sous Colbert, les prud’homies sont peut-être trop longtemps restées fermées sur ellesmêmes », analyse-t-elle aujourd’hui. À seulement 36 ans, Benoît Perrin est en train de tout plaquer. Il a décidé de revendre son bateau pour changer complèteme­nt de voie. Mais il y a quelques années encore, le pêcheur hyérois a fait partie de ceux qui ont tenté de redynamise­r la prud’homie des Salins à Hyères. « L’objectif, raconte-t-il, était de favoriser les circuits courts, organiser les marchés en fonction de nos arrivages. »

Vers une pêche . ?

Une page Facebook a même été créée. Simple, pratique et efficace. Les consommate­urs pouvaient savoir quasiment en direct ce qui allait être présenté sur l’étal, lorsque les pêcheurs rentraient au port. D’autres prud’homies ont emboîté le pas du numérique. Avec plus ou moins de succès. Pas facile, en effet, d’obliger un vieux pêcheur de 80 balais à poster quotidienn­ement des photos de sa pêche du jour et de les partager sur le Net. Pour Benoît Perrin, il faut aller plus loin. En commençant par valoriser le savoirfair­e des pêcheurs. « Le problème chez nous, expose-t-il, c’est qu’il y en a que pour les plages, les parasols et le jet-ski. » Lui propose par exemple de créer un site dédié à la filière et à son histoire. « Au Grau-du-Roi (Gard) par exemple, il y a un musée qui met en valeur la pêche artisanale ». Benoît Perrin est persuadé que « même ici, les touristes seraient demandeurs de ce genre d’endroit ».

À chaque saison ses poissons

Car « les gens ont très peu de connaissan­ces sur le sujet, rappelle pour sa part Didier Ranc. On nous demande que de la dorade et du loup ». Pourtant, en pêche comme en agricultur­e, il existe des saisons. Et à chaque saison, ses poissons. « La dorade par exemple, détaille JeanMichel Cei, il y a deux grandes périodes : octobre-novembre, avril-mai et un peu en été. Pour les rougets, c’est plus le printemps. Et la pélamide, en hiver. Pareil pour les merlans. » Les pêcheurs ont donc de plus en plus de mal à commercial­iser certaines espèces. Comme les poissons de roche, ingrédient­s essentiels pour réaliser une bonne bouillabai­sse. « Ce qui est dommage, regrette Didier Ranc, c’est que plus personne ne sait la préparer… D’ailleurs, ajoute-t-il dépité, il suffit de faire les poubelles des restaurant­s de la Côte pour voir que les poissons viennent de Turquie ou du bout du monde, alors que les touristes pensent manger des poissons du coin. » Il est midi sur le port du Niel et Pepito part se reposer un peu avant de regagner la mer pour lever ses filets. «Notre survie, résume-t-il, passe par un profond changement de société… » Pour Elisabeth Tempier, animatrice à l’Encre de mer, la solution pour préserver la filière passe par « la sensibilis­ation » .La chercheuse se veut optimiste. Et cite notamment le travail de certaines associatio­ns et autres mouvements émergents comme SlowFish. Leur créneau : promouvoir les espèces de poissons oubliées tout en vantant les bienfaits de la pêche artisanale et de la consommati­on responsabl­e du poisson. C’est un peu l’idée portée récemment par la prud’homie de Cannes. Laquelle envisage d’ouvrir au public les m d’espace dont elle dispose en plein centre-ville. « Ce village de pêcheurs permettrai­t de présenter notre métier et de responsabi­liser les gens », indique Franck Dubbiosi. Estimé à  millions d’euros, le projet pourrait voir le jour « dans deux ans ». Le premier prud’homme cannois voit les choses en grand. «Onva pouvoir créer des étals à poissons avec une vraie criée pour vendre directemen­t le produit de notre pêche. L’objectif, ajoute l’arrièrepet­it-fils de pêcheur, c’est d’insister auprès de la jeune génération à travers des activités ludiques, et en expliquant comment et pourquoi il faut protéger la mer. » Pour cela, la prud’homie de Cannes travaille déjà main dans la main avec le Centre permanent d’initiative­s pour l’environnem­ent (CPIE). « Quand je vois le regard émerveillé des gosses qui sont heureux de découvrir notre métier, conclut Franck Dubbiosi, je me dis que c’est à ce niveau-là qu’il faut se donner les moyens. Dès lors qu’on touche à l’éducation et qu’on arrive à sensibilis­er les enfants, après, les politiques suivront et les choses se feront toutes seules. »

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La pêche à la palangre et les autres techniques traditionn­elles sont aujourd’hui menacées.
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Pepito a « appris le métier sur le tas, avec les anciens ».

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