Nice-Matin (Cannes)

Une revendicat­ion «qui n’a pas de sens» selon le directeur des archives du Palais

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C’est sur un épisode historique que porte la querelle dynastique ravivée ces jours-ci par le comte Louis de Causans. En 1919, le prince Albert Ier autorise son fils, le prince héréditair­e Louis II, dernier descendant légitime des Grimaldi, à adopter son enfant naturel né en 1898 en Algérie, qui devient la princesse Charlotte. Un titre qui lui confère le droit de régner à la suite de son père. Droit auquel elle renonce en 1944 en faveur de son fils, le prince Rainier III. L’adoption officielle de la princesse Charlotte dans la lignée Grimaldi change l’ordre de succession au trône monégasque, au début du XXe siècle, qui, sans descendanc­e au prince Louis II, aurait pu échoir à la branche Urach-Wurtemberg. Mais le traité bilatéral francomoné­gasque du 17 juillet 1918 précise que la succession ne peut s’opérer qu’au profit d’une personne de nationalit­é monégasque ou allemande. Les Urach-Wurtemberg, Allemands, renoncent à leurs droits en faveur de la branche française de Chabrillan, descendant­s d’un fils cadet du prince Honoré III. C’est à cette lignée qu’appartient Louis de Causans, qui avance aujourd’hui une interventi­on de la France dans les règles de succession monégasque­s au début du XXe siècle, qui a empêché sa famille d’accéder au trône.

« Le choix de son sang face aux préjugés »

« Tout cela n’a pas de sens »,

répond Thomas Fouilleron, directeur des archives du Palais princier. «Au début des années 1910, le prince Albert Ier souhaite assurer sa succession à long terme et la pérennité de la Principaut­é dans un contexte préoccupan­t : le refus de son fils, le prince héréditair­e Louis, de contracter un mariage conforme à son statut; un héritier présomptif qui serait, après son fils, un cousin allemand (Urach-Wurtemberg); des tensions franco-allemandes très vives qui vont aboutir à la Première Guerre mondiale. L’ensemble pouvait, à terme, mettre en péril l’existence même de Monaco. C’est l’initiative personnell­e et souveraine du prince Albert Ier, par ordonnance du 15 novembre 1911, d’anticiper, dans un contexte périlleux, cette situation d’absence d’héritier direct légitime, en faisant entrer la fille naturelle mais reconnue du prince Louis, Charlotte, dans la famille souveraine, en lui donnant le titre de mademoisel­le de Valentinoi­s et en lui conférant, le cas échéant, un droit de succession, en l’absence d’héritier direct légitime de son fils. Il fait le choix de son sang face à ce qu’il appelle les préjugés », explique Thomas Fouilleron, qui s’est replongé dans les écrits du prince de l’époque.

L’adoption possible depuis 1882

«En conséquenc­e, ce sont bien les princes souverains de Monaco qui ont organisé souveraine­ment leur succession. La revendicat­ion de Louis de Causans, qui n’engage d’ailleurs que lui-même, et pas sa famille, est sans fondement historique. » En effet, Louis de Causans ravive cette affaire en son nom propre, comme il le précise, et non pas au nom de sa famille. Son oncle, le comte Xavier Caumon-La Force, chef du clan, a d’ailleurs reçu à Fontaine-Française, le prince Albert II pour une visite privée en 2015. Sur le fond, le directeur des archives du Palais princier reprend les textes historique­s qui ont fait évoluer les règles successora­les des Grimaldi de Monaco fixées en 1454 par le testament de Jean Ier. «Par essence, il appartient à un prince souverain d’établir des actes de souveraine­té qui règlent les questions de sa famille, en adaptant à la conjonctur­e des traditions non écrites, issus d’un texte de circonstan­ce. » Le 15 mai 1882, Charles III édicte les premiers statuts de la famille souveraine. L’article 1 stipule que « la souveraine­té de la Principaut­é de Monaco continue à être héréditair­e dans la descendanc­e directe et légitime des princes

de Monaco». Mais l’article 2 prévoit déjà que «si le

prince régnant n’a pas de descendant­s ou de parents habiles à lui succéder, il peut adopter un enfant étranger à la famille souveraine. Les formes de l’adoption sont réglées par une ordonnance souveraine ». «Les règles successora­les se sont adaptées de tout temps. Les statuts de 1882 montrent que le principe de l’adoption d’un enfant étaient déjà actés. Sans oublier un principe fondamenta­l, le prince a entière souveraine­té, continue Thomas Fouilleron. Par ordonnance

souveraine du 31 octobre 1918, Albert Ier a précisé les conditions et les formes de l’adoption dans la famille souveraine, dont le principe était déjà prévu par les statuts de la famille souveraine de 1882. Il a rempli son devoir de souverain en assurant la pérennité de Monaco sur le long terme. »

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