Nice-Matin (Cannes)

Pour « Une mesure courageuse »

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE PERRIN

Jehanne Collard, avocate, est présidente d’honneur de l’associatio­n Victime et Citoyen. Elle-même très grièvement blessée dans un accident de la route, elle a consacré sa vie à lutter contre le fléau de l’insécurité routière.

Votre communiqué, en juillet sur la baisse du nombre de morts sur les routes a provoqué l’ironie des internaute­s...

Cette baisse n’était pas directemen­t liée à la mesure mais à un effet d’annonce. On avait constaté le même phénomène peu avant l’instaurati­on du permis à points. Le nombre de morts sur la route a baissé de , % en juillet, soit  vies sauvées par rapport au bilan du mois de juillet . La preuve est faite une fois de plus qu’en matière de sécurité routière, seule la volonté politique est efficace. C’est une mesure courageuse. Le nombre de blessés diminue lui aussi. Cela devrait ramener à la décence tous ceux qui veulent créer une polémique autour de cette mesure.

L’opposition à cette mesure reste virulente...

Je côtoie matin, midi et soir la souffrance des victimes de la route. Je n’arrive pas à comprendre cette polémique. Qui n’a pas eu un voisin, un proche affecté par un accident ? Pourquoi cette banalisati­on, ce rejet pour sauver des vies ? Je n’ai pas l’explicatio­n. La violence routière c’est embrasser son mari, parler du bébé qui va naître et une heure après, ne jamais pouvoir voir ce bébé. C’est un gamin de  ans, plein de vie, qui se retrouve du jour au lendemain sur un fauteuil roulant à ne plus pouvoir parler.

Certains suggèrent qu’il y avait d’autres mesures à prendre...

J’ai participé à beaucoup de débats. Je l’ai dit et redis, l’abaissemen­t à  km/h n’est pas la mesure qu’il fallait prendre. L’idéal était d’adapter la vitesse aux infrastruc­tures parce que certaines routes peuvent être empruntées à  km/h sans danger. Mais cela aurait nécessité un an de délai. Vu la dégradatio­n des statistiqu­es, il fallait une mesure symbolique et urgente pour endiguer la recrudesce­nce des accidents mortels.

Une mesure pompe à fric ?

L’argument ne tient pas. L’argent récolté par les radars est à % consacré à la sécurité routière.

Comment être sûr que c’est la réduction de la vitesse qui sera à l’origine d’une éventuelle baisse du nombre de tués ?

Quand la vitesse était limitée à , les accidents graves se produisaie­nt à . Avec cette mesure, ils se produiront autour de  km/h. Cela réduira mathématiq­uement le nombre et la gravité des accidents. Ne fallait-il pas aller plus loin dans la répression de l’usage du téléphone au volant ? Je regrette qu’il n’y ait pas systématiq­uement de réquisitio­n judiciaire sur le ou les téléphones quand survient un accident mortel. Du coup, on n’a pas une vision réelle de l’implicatio­n du téléphone dans les accidents. Cela va sans doute bien audelà des  %, la statistiqu­e officielle, mais ce n’est pas quantifié.

N’a-t-on pas atteint un plafond de verre en terme de mortalité?

Je n’y crois pas. Seuls  % des accidents sont inévitable­s. On peut gagner ce combat. Il est vrai qu’aujourd’hui, si on veut combattre l’insécurité routière, il faut que les Français adhèrent. Si vous prenez trop de mesures, il se produit un phénomène de rejet qui risque d’aggraver situation.

Newspapers in French

Newspapers from France