Abus sexuels : le pape François exprime sa « honte » à Dublin
Le pape François a entamé hier une visite chargée en Irlande en priant pour les victimes d’abus sexuels du clergé irlandais et en reconnaissant « l’échec » passé de la hiérarchie pour affronter des « crimes ignobles ». Mais en l’accueillant sans langue de bois dans son pays, le Premier ministre irlandais Leo Varadkar lui a demandé d’utiliser sa « position » et son « influence » pour rendre « justice » aux victimes d’abus commis par le clergé en Irlande et dans le monde entier. Le 24e voyage à l’étranger du pape intervient à un moment particulièrement périlleux pour l’Eglise catholique, notamment ébranlée la semaine dernière par de sordides révélations en Pennsylvanie (USA) sur plus de 300 «prêtres prédateurs» ayant commis des abus sur mille enfants.
« Décevant, rien de nouveau »
Après avoir écouté gravement Leo Varadkar, le pape François a exprimé sa « honte » et sa « souffrance » face à « l’échec des autorités ecclésiastiques- évêques, supérieurs religieux, prêtres et autres - pour affronter de manière adéquate ces crimes ignobles » dans le passé. « Je ne peux que reconnaître le grave scandale causé en Irlande par les abus sur les mineurs de la part des membres de l’Église chargés de les protéger et de les éduquer » ,a commenté le pape, dans un discours un peu en retrait par rapport à d’autres prises de paroles sur le sujet. Il n’a pas convaincu son ancienne conseillère sur les abus pédophiles du clergé, la victime irlandaise Marie Collins. « Décevant, rien de nouveau », a assené aux journalistes cette septuagénaire porte-voix des « survivants », elle-même victime à 13 ans d’abus sexuels d’un prêtre. Dans l’après-midi, le pape a prié en silence avec l’archevêque de Dublin Diarmuid Martin devant un cierge dédié depuis 2011 aux victimes irlandaises d’abus sexuels, dans la plus grande cathédrale de la ville, St Mary’s. Dans la soirée, le pape a rencontré pendant une heure et demie huit victimes irlandaises d’abus commis par des membres du clergé, des religieux et des personnes au sein d’institutions catholiques.
victimes depuis
Depuis 2002, plus de 14 500 personnes se sont déclarées victimes d’abus sexuels commis par des prêtres en Irlande. La hiérarchie de l’Église irlandaise est accusée d’avoir couvert des centaines de prêtres. Le pape a aussi fait une halte improvisée dans un quartier défavorisé de Dublin, où se trouve une église avec les reliques du vénérable Matt Talbot, un ancien ouvrier alcoolique qui devint un populaire bienfaiteur des nécessiteux. Trente-neuf ans après la dernière visite d’un souverain pontife, le pape François est arrivé samedi en Irlande afin de clôturer la Rencontre mondiale des familles. Il souhaite profiter de sa visite pour encourager ce pays encore très catholique, mais de plus en plus sécularisé, à garder la foi même s’il «écoute la polyphonie du débat politico-social contemporain ». Signe que l’influence de l’Eglise recule spectaculairement en Irlande, le pays a légalisé en 2015 le mariage homosexuel, choisi un Premier ministre gay, M. Varadkar, en 2017, et libéralisé, en mai, l’avortement.