Nice-Matin (Cannes)

ASSASSINAT EN  Cannes : l’accusé plaide « la passion » P 

Un ancien CRS est jugé depuis hier pour l’assassinat en avril 2015 d’Agnès, 47 ans, qu’il harcelait depuis leur séparation. Il réfute toute préméditat­ion mais les faits sont têtus

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

C’est une romance qui se termine par des hurlements, des cris de terreur. Les voisins d’Agnès, 47 ans, pressenten­t le pire. L’un d’eux tente de défoncer la porte palière dans ce coquet immeuble des années 30 d’habitude si paisible, rue du 11-Novembre à Cannes. A l’arrivée des policiers, il est déjà trop tard pour porter secours à la victime. Agnès gît dans la chambre de l’une de ses deux filles, un tournevis planté dans la gorge, le visage tuméfié, la mâchoire brisée. Le crime remonte au 13 avril 2015 à 8 h 30. L’auteur présumé, Philippe Woronko, 46 ans, un amant éconduit qui ne cessait de harceler la victime, échappera pendant trois mois et demi aux enquêteurs de la Sûreté cannoise. Il avait refait sa vie sous une autre identité, embauché comme serveur dans un restaurant de Hyères, quand il a été interpellé. Depuis hier, il est jugé pour assassinat. Autrement dit, un meurtre prémédité, préparé. « Je reconnais avoir ôté la vie d’Agnès, je suis entièremen­t coupable », avoue d’emblée Philippe Woronko.

« La passion... »

A une nuance près, et non des moindres. Il réfute la préméditat­ion : « J’étais dans un tourbillon, c’était irrationne­l. Je n’avais aucune idée de... » L’accusé ne termine pas sa phrase. « Le jour des faits, vous attendez et vous guettez. C’est la significat­ion de guet-apens, remarque Patrick Véron, le président de la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Qu’est ce qui vous a amené à agir de la sorte?» « La passion… Vous ne pouvez voir la vie sans l’autre », répond l’accusé, plutôt à l’aise pour s’exprimer. Le magistrat reprend le fil de son raisonneme­nt: «La passion, ça donne envie de couvrir de fleurs celle qu’on aime. Pas de donner des coups de tournevis.» «Tout était exacerbé. Je n’ai jamais souhaité la mort d’Agnès, insiste l’accusé. Je ne me maîtrisais plus. J’ai eu un comporteme­nt inadmissib­le. Je n’ai jamais eu l’intention de tuer.» Le président Véron réagit: «L’intention ne se déduit pas des propos de l’accusé… Il y a des actes. Nous ne jugeons pas un geste malheureux.»

Tapi dans l’ombre

Philippe Woronko, tournevis dans la poche, a escaladé la façade de l’immeuble, joué les monte-en-l’air avant d’entrer par effraction dans l’appartemen­t du 2e étage. Agnès était alors à la salle de sport. Il a attendu tapi dans l’ombre. « Pourquoi porter un bonnet et des gants un 13 avril à Cannes? », s’interroge le président Patrick Véron. « J’étais frigorifié », répond l’accusé. Agnès est rentrée de sa séance vers 8h30. Elle est passée par la salle de bain avant de se retrouver à moitié nue face à son ancien compagnon.

« Je l’ai étranglée »

Le couple se serait battu. Agnès se serait saisi d’un couteau. « Je l’ai étranglée», avoue l’accusé sans s’attarder sur le tournevis qu’il a planté dans le cou de sa victime. Philippe Woronko dit avoir paniqué. Il a pris la fuite par une cour intérieure. Sa cavale s’est poursuivie dans le Var. Il sera finalement repéré grâce à son téléphone portable lors du versement du RSA. « Il n’a cessé de brouiller les pistes avec de fausses identités », explique un enquêteur. Au procès, la cour et les jurés s’y perdent également à tenter de suivre les explicatio­ns confuses d’un accusé à la vie mouvementé­e. Ancien CRS à Marseille, il a été contraint de quitter la police après des accusation­s de vol. Reconverti dans le rachat d’or, il était également sous le coup d’une procédure pour abus de confiance. Les objets d’Agnès (un bracelet et un billet de 20 euros) abandonnés dans sa fuite, ont-ils été dérobés? L’accusé s’en défend. Il l’a expliqué en préambule: « Pour la première fois de ma vie, je ne vais pas être lâche.» La famille d’Agnès et leur conseil, Me Olivier Giraudo, en doutent. A chaque mot de Philippe Woronko, les plaies se ravivent. Les filles d’Agnès, ses parents, son ex-mari… serrés sur le banc des parties civiles, ne cachent pas leur consternat­ion. Fatigué par le comporteme­nt de l’accusé, Me Giraudo se lève: « Vous devez la vérité à Agnès! »

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(Photo Patrice Lapoirie) L’accusé était passé par les toits pour entrer par effraction dans l’appartemen­t de la victime, rue du -Novembre à Cannes.

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