Françoise Guidoni, ex sinistrée et ex locataire du hameau : « Aujourd’hui, on rase ans de notre vie »
J’espère qu’il y aura une plaque souvenir pour Danielle” Pas pour toucher de l’argent, mais pour ne pas être oubliés”
Trois ans après, Françoise Guidoni, 55 ans, a encore des trémolos dans la voix en évoquant le drame du 3 octobre 2015. Avec son mari Didier et leurs deux enfants, Lorine 20 ans et Baptiste 26 ans aujourd’hui, ils ont vécu 23 ans au hameau de Carimaï. Une vie. Balayée par une vague meurtrière. Un soir d’automne. En quelques heures. Il faut continuer à vivre. Difficile...
Avez-vous été informée de la destruction ?
Non, pas directement. C’est la dame qui continue chaque jour à se rendre au hameau pour nourrir les chats qui me l’a dit. Elle y retourne tous les jours depuis presque trois ans. Elle mérite une médaille de la SPA.
Vous êtes-vous rendue sur place ?
Mon mari et mes enfants y sont allés, il ont pris des photos. Notre maison n’est pas encore détruite. Celle de Danielle n’est plus là. J’espère qu’il y aura une plaque pour ne pas l’oublier. Comme pour les morts à la guerre, nous avons un devoir de mémoire envers elle. Cela aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre nous. Elle, n’avait pas de premier étage pour se réfugier. On est resté sept heures dans l’eau...
Avez-vous tourné la page de Carimaï ?
Depuis avril , nous sommes relogés à la Bocca dans un immeuble au e étage. Mais quand il pleut un peu fort, c’est difficile. Les autres ex locataires éprouvent beaucoup de stress en cas de pluie. Il y a certaines odeurs aussi... On ne tournera jamais la page. Dans toutes nos conversations, on est ramené à cette catastrophe.
Qu’avez-vous perdu de plus cher ?
Les photos de mon père. Ses photos de jeunesse, de baptême, de communion, de football, c’est le plus dur.. Il n’y aura pas la transmission. Comme pour ma vaisselle de mariage...
Avez-vous été bien remboursée côté assurances ?
Oui, assez correctement pour le mobilier, moins pour ma voiture. Je viens de terminer les deux ans de crédit qui nous ont permis de racheter tous nos meubles. Mais tout ce qui était dans le jardin n’était pas assuré...
Quel est votre sentiment aujourd’hui ?
Il y a de la tristesse car aujourd’hui on rase ans de notre vie. Et puis, on n’a pas eu de suivi. Une fois relogés, c’était difficile pour nous de faire la démarche. Après six mois au camping le Ranch, on a tous été dispersés. Carimaï, c’était une vie de village... Il y a de la colère aussi car on n’a pas eu des réponses auxquelles on n’avait droit. On a besoin d’être pris en considération.
Vous avez porté plainte en mai avec d’autres familles. Irez-vous au bout de l’action en justice ?
Oui, on ne lâchera pas le morceau. On veut des réponses. Pourquoi nous avoir loué des habitations sur une zone à risque inondation ? Le soir de la catastrophe, pourquoi n’y a-t-il pas eu d’alerte pour qu’on évacue? Aujourd’hui, nous sommes en contact et tous unis pour avoir toutes ces réponses. Ce n’est pas pour toucher de l’argent. Mais pour ne pas être oubliés.