Nice-Matin (Cannes)

Aujourd’hui, les 3 Garçons font leur tournée d’adieu

Dernier service ce midi au restaurant de la place de la Foux. En effet, le patron et chef, Jean-Pierre Borivant, quitte la cité des Parfums pour vivre, avec les siens, la grande aventure

- PASCAL FIANDINO pfiandino@nicematin.fr

Le corps ici, l’esprit ailleurs, déjà. Attablé en terrasse de son restaurant, Jean-Pierre Borivant est, dès les premières heures du jour, in business, en pleine tractation. Smartphone scotché à l’oreille, le jeune trentenair­e, crâne rasé de près et barbe de trois jours (et quelques…) ne se dépare pas de son sourire franc, malgré l’horaire matinal. « Ah, c’est beaucoup de boulot mais c’est excitant, lancet-il, dans un haussement de sourcils. Quelque part, c’est un aboutissem­ent par rapport au travail accompli. » Aboutissem­ent: pas un terme habituel pour évoquer la fermeture d’un établissem­ent. Mais nous y reviendron­s… Sinon, oui, vous avez bien lu: aujourd’hui, une fois le service de midi achevé, le rideau (de fer) va tomber une dernière fois sur Les 3 Garçons. La fin d’une histoire – le restaurant va, néanmoins, accueillir de nouveaux propriétai­res – démarrée il y a huit ans sur la place de la Foux, aux portes du centre historique. La fin d’une histoire, le début d’une autre… Mais commençons par le commenceme­nt. Né le 26 avril 1987 à Blanc Mesnil (Seine-Saint-Denis) avant de filer faire ses études à Aix, Jean-Pierre Borivant n’avait jamais entendu parler de Grasse jusqu’en 2010. Et puis…

Une existence, plusieurs vies

«Ma mère, avocate, s’occupait du divorce d’une cousine éloignée, qui tenait l’établissem­ent Le Café Arnaud. On a entendu qu’il était à vendre. Alors, on a sauté sur l’occasion, à l’été 2010. » « On », c’est lui et ses frères, Jonathan et Mickaël. Eux, ce sont les 3 Garçons. Ouvrir un restaurant avec ses frères, c’est comme ouvrir un bar avec des potes : un songe (quasi) universel d’ados. Mais, après le rêve, il y a la réalité… «Travailler en famille, c’est dur. Ça s’est bien passé pendant deux ans et puis Jonathan est remonté à Paris. Mon autre frère est, lui, resté encore un moment… » Dans le ton, nulle rancoeur. Le regard est, à l’inverse, presque amusé à l’heure de se remémorer. « On a ouvert très jeune, on avait entre 17 et 22 ans. On en parlait ensemble quand on était minot, c’était presque logique qu’on vive cette expérience. Même si on a suivi des chemins différents par la suite, je n’ai aucun regret. Ça m’a permis de prendre de l’assurance dans ce métier. » De l’assurance et de la régularité dans l’effort. Primordial dans la restaurati­on, à plus forte raison quand, en plus du costume de patron, on porte la toque du chef. «Grasse, ça a été un super pied à l’étrier. Je suis content d’être passé ici, où la clientèle est très pointilleu­se. En huit ans, j’en ai vu, des commerces, ouvrir et fermer. On a tenu le coup, c’est qu’on a bien travaillé. Si on a réussi ici, on réussira ailleurs. » Et là, on en revient à cette notion d’aboutissem­ent. S’il quitte la cité des Parfums, n’y voyez pas un constat d’échec. Le temps était simplement venu « de faire autre chose. » Une existence peut renfermer plusieurs vies, dans lesquelles les coeurs fougueux s’empressent de croquer. Jean-Pierre Borivant est de ceux-là, lui qui possède autant de tatouages (ou presque) que de souvenirs de voyages. Alors, avec sa femme, Alexia, et leurs deux pitchouns, Milo (2 ans et demi) et Angelo (1 an), il se prépare à vivre la grande aventure. Et même deux, l’une derrière l’autre. « Nous avons acheté un camping-car au début de l’année, sourit-il. Et, le 15 septembre, on va se lancer dans un tour d’Europe. »

L’Europe, avant le Canada

Sur le roadbook ? Allemagne, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Croatie, Monténégro, Albanie, Grèce, Italie, Espagne. «Ah, j’ai oublié l’Autriche» corrige-t-il. Parce que chaque étape compte. Et que la perspectiv­e vaut le coup de prendre son mal en patience. «Actuelleme­nt, nous vivons dans l’appartemen­t au-dessus du restaurant. Disons qu’à quatre dans 30 m2, on est un peu serré. Nous avons quitté notre logement sur l’avenue Thiers, vendu le mobilier… » Un périple de 30 000 km (1) qui, au départ, devait durer de six mois à un an. Il n’en durera que quatre. La raison? La deuxième grande aventure : le Canada. « J’ai reçu une offre pour être chef de cuisine dans le restaurant gastronomi­que d’un complexe hôtelier, dans la région de Québec. Je ne pouvais pas refuser. » D’où le passage en revue du Vieux Continent, avant de traverser l’Atlantique, en janvier. Nouvelle année, nouveau départ. «Nous y sommes déjà allés trois fois, nous avons des amis là-bas. Et, comme nous ne sommes pas Sudistes, le froid ne nous fait pas peur [rires]. On a adoré la mentalité, la qualité de vie, l’organisati­on des écoles… » Là, il se tourne vers Milo et Angelo, posés à côté, le regard encore plein de sommeil, dans les bras de leur maman. « On veut qu’ils commencent leur scolarité làbas. » Pour s’installer définitive­ment dans le grand nord blanc ? « Ce n’est pas une fin en soi. J’ai un contrat de deux ans. Le but, c’est d’obtenir la résidence permanente puis la double nationalit­é. Après, si ça se passe mal, on avisera. Mais, au moins, on aura essayé. On ne veut pas avoir de regrets. » Plusieurs vies dans la vie, dont les 3 Garçons et Grasse furent l’une des multiples étapes…

1. Une chaîne Youtube et une page Facebook, nommées « Jamap travel » – les

initiales de la famille – ont été créées pour suivre les aventures des Borivant.

 ?? (Photo P. F.) ?? Après huit ans à Grasse, Jean-Pierre Borivant et sa petite famille, Alexia, Milo et Angelo, partent vers de nouvelles aventures sur les routes du Vieux Continent, avant de commencer une nouvelle vie à Québec.
(Photo P. F.) Après huit ans à Grasse, Jean-Pierre Borivant et sa petite famille, Alexia, Milo et Angelo, partent vers de nouvelles aventures sur les routes du Vieux Continent, avant de commencer une nouvelle vie à Québec.

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