Nice-Matin (Cannes)

Pressing dangereux :  mois requis contre le gérant

A Nice, une septuagéna­ire, qui vivait au-dessus de ce commerce, rue Gioffredo, se plaignait d’être envahie par les solvants. Elle en serait morte. Le patron était jugé hier en correction­nelle

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

J’ai l’impression d’être empoisonné­e… Je me consume comme une chandelle… » Me Bernard Sivan, l’avocat de la partie civile, rappelle ces quelques mots prémonitoi­res écrits par Josée Bernard. Cette Niçoise de 72 ans se confiait à sa voisine juste avant de mourir cinq jours plus tard, le 25 décembre 2009. L’autopsie a révélé des traces significat­ives de perchloroé­thylène, un solvant industriel utilisé en blanchisse­rie et qui doit disparaîtr­e d’ici à 2020. Frédéric, son fils, se bat depuis neuf ans pour que la justice reconnaiss­e que le décès de sa mère est lié à ces émanations toxiques. Un juge d’instructio­n a renvoyé pour homicide involontai­re Daniel Monfray, le gérant du pressing et la société de contrôle et de certificat­ion Veritas. Daniel Monfray doit également répondre de «poursuite de l’exploitati­on d’une installati­on classée non conforme à une mise en demeure de respecter les prescripti­ons techniques.»

Des odeurs jusqu’au e étage

Le pressing Lafayette, qui n’avait jamais été inspecté avant son ouverture comme l’exige la réglementa­tion, a depuis longtemps mis la clef sous la porte. Son ancien propriétai­re se défend. «J’ai utilisé ce produit pendant vingt ans. J’étais conscient de sa toxicité mais je n’ai jamais imaginé que cela pouvait être mortel pour Mme Bernard, pour mes salariés et pour moimême», se justifie le prévenu, face aux questions de la présidente, Anne Vincent. Même au cinquième étage, de la défunte.

une locataire se plaignait des odeurs. Daniel Monfray, lui, affirme qu’il ne sentait rien: «Je pensais que mon installati­on était performant­e avec un local qui me semblait étanche. La ventilatio­n était opérationn­elle et efficace. Comme il y avait un conflit avec la copropriét­é, je pensais que c’était un prétexte pour me faire partir. » À raison de 35 kg de linge par lavage et de 110 machines par an, plus de 70 kg de «perchlo» auraient ainsi été rejetés par le pressing, juste sous les fenêtres de la victime. «La ventilatio­n était à 3 mètres de la fenêtre de maman avec un mur qui provoquait un réservoir à perchlo. Le filtre à charbon n’a jamais été changé et le filtre ne tournait pas la nuit. Ma maman a vécu dixhuit mois d’enfer, gazée» , témoigne avec une émotion contenue Frédéric Bernard.

Légèreté du centre de certificat­ion

Pourtant, le centre de certificat­ion indépendan­t venu s’assurer de la conformité des installati­ons a assuré que l’étanchéité était parfaite. Le cabinet Veritas s’est contenté d’un simple examen visuel… Une autre inspection judiciaire avec utilisatio­n de fumigènes démontrera le contraire. Me Bernard Sivan, avocat des parties civiles, évoque «une installati­on bricolée». Le procureur, Vincent Enel, est persuadé que «l’inhalation durable et prolongée de perchloroé­thylène» a provoqué le décès de Josée Bernard. Après avoir égrené « les négligence­s » des prévenus, le magistrat requiert dix-huit mois de prison avec sursis contre le propriétai­re du pressing. Contre le bureau de contrôle, déjà condamné deux fois par le passé, le parquet demande une forte amende: 225 000 euros ! Les services de l’État ont, durant plus de deux ans, donné leur feu vert à l’exploitati­on de cette blanchisse­rie. De quoi alimenter la plaidoirie de Me Anna-Karin Faccendini, avocat de Daniel Monfray. qui espère une relaxe : « De quoi est morte Mme Bernard? Il n’y a pas de preuve directe et certaine dans ce dossier. Le doute doit profiter à mon client.» Le jugement a été mis en délibéré au 29 octobre. La compagnie la plus ponctuelle au monde 2016 et 2017

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(Photo Ch. P.) Me Bernard Sivan, avocat de Frédéric Bernard, le fils

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