Pressing dangereux : mois requis contre le gérant
A Nice, une septuagénaire, qui vivait au-dessus de ce commerce, rue Gioffredo, se plaignait d’être envahie par les solvants. Elle en serait morte. Le patron était jugé hier en correctionnelle
J’ai l’impression d’être empoisonnée… Je me consume comme une chandelle… » Me Bernard Sivan, l’avocat de la partie civile, rappelle ces quelques mots prémonitoires écrits par Josée Bernard. Cette Niçoise de 72 ans se confiait à sa voisine juste avant de mourir cinq jours plus tard, le 25 décembre 2009. L’autopsie a révélé des traces significatives de perchloroéthylène, un solvant industriel utilisé en blanchisserie et qui doit disparaître d’ici à 2020. Frédéric, son fils, se bat depuis neuf ans pour que la justice reconnaisse que le décès de sa mère est lié à ces émanations toxiques. Un juge d’instruction a renvoyé pour homicide involontaire Daniel Monfray, le gérant du pressing et la société de contrôle et de certification Veritas. Daniel Monfray doit également répondre de «poursuite de l’exploitation d’une installation classée non conforme à une mise en demeure de respecter les prescriptions techniques.»
Des odeurs jusqu’au e étage
Le pressing Lafayette, qui n’avait jamais été inspecté avant son ouverture comme l’exige la réglementation, a depuis longtemps mis la clef sous la porte. Son ancien propriétaire se défend. «J’ai utilisé ce produit pendant vingt ans. J’étais conscient de sa toxicité mais je n’ai jamais imaginé que cela pouvait être mortel pour Mme Bernard, pour mes salariés et pour moimême», se justifie le prévenu, face aux questions de la présidente, Anne Vincent. Même au cinquième étage, de la défunte.
une locataire se plaignait des odeurs. Daniel Monfray, lui, affirme qu’il ne sentait rien: «Je pensais que mon installation était performante avec un local qui me semblait étanche. La ventilation était opérationnelle et efficace. Comme il y avait un conflit avec la copropriété, je pensais que c’était un prétexte pour me faire partir. » À raison de 35 kg de linge par lavage et de 110 machines par an, plus de 70 kg de «perchlo» auraient ainsi été rejetés par le pressing, juste sous les fenêtres de la victime. «La ventilation était à 3 mètres de la fenêtre de maman avec un mur qui provoquait un réservoir à perchlo. Le filtre à charbon n’a jamais été changé et le filtre ne tournait pas la nuit. Ma maman a vécu dixhuit mois d’enfer, gazée» , témoigne avec une émotion contenue Frédéric Bernard.
Légèreté du centre de certification
Pourtant, le centre de certification indépendant venu s’assurer de la conformité des installations a assuré que l’étanchéité était parfaite. Le cabinet Veritas s’est contenté d’un simple examen visuel… Une autre inspection judiciaire avec utilisation de fumigènes démontrera le contraire. Me Bernard Sivan, avocat des parties civiles, évoque «une installation bricolée». Le procureur, Vincent Enel, est persuadé que «l’inhalation durable et prolongée de perchloroéthylène» a provoqué le décès de Josée Bernard. Après avoir égrené « les négligences » des prévenus, le magistrat requiert dix-huit mois de prison avec sursis contre le propriétaire du pressing. Contre le bureau de contrôle, déjà condamné deux fois par le passé, le parquet demande une forte amende: 225 000 euros ! Les services de l’État ont, durant plus de deux ans, donné leur feu vert à l’exploitation de cette blanchisserie. De quoi alimenter la plaidoirie de Me Anna-Karin Faccendini, avocat de Daniel Monfray. qui espère une relaxe : « De quoi est morte Mme Bernard? Il n’y a pas de preuve directe et certaine dans ce dossier. Le doute doit profiter à mon client.» Le jugement a été mis en délibéré au 29 octobre. La compagnie la plus ponctuelle au monde 2016 et 2017