Transformer le béton en or : la recette de la dynastie
Les Pastor ont fait mieux que la pierre philosophale : ils ont transformé le béton en or. Trois générations seulement leur auront été nécessaires pour bâtir un empire et une fortune colossale. On les dit aussi puissants que les Grimaldi sur le Rocher. Gratteciel, appartements haut de gamme, bureaux, centres commerciaux : près d’un quart de la Principauté leur appartient. Et ce, dans la ville où le mètre carré est le plus cher du monde : 53 000 € en moyenne, jusqu’à plus de 100 000 € pour des programmes d’exception comme la Tour Odéon qui s’étire fièrement à l’est de la Principauté.
Un empire de béton
La future extension en mer, dans laquelle les Pastor (J.B Pastor & Fils) sont évidemment associés, promet même de faire exploser ces chiffres pourtant déjà faramineux. Cet empire de béton doit tout à un petit ouvrier italien, Jean-Baptiste. « Il débarque de Buggio, un bled ligure, un hameau avec des baraques à flanc de montagne. On se croirait dans un village corse, à quelques kilomètres de la frontière française», raconte Pierre Abramovici, Monégasque, historien (1), ancien grand reporter à TF1. «Il participe alors à un grand mouvement d’appel de travailleurs dans le domaine de la construction. Cette vague d’immigration va se retrouver à construire le nouveau Monte Carlo. Avant 1863, il n’y a que le rocher et quarante baraques. La montagne tombe directement sur le bord de mer. À l’époque, le Larvotto c’est un marais, personne n’imaginait qu’on puisse construire là-dessus.» Jean-Baptiste monte des murs, mais fait son trou à force de travail et crée sa propre entreprise en 1926. L’élément déclencheur sera la construction du premier stade de foot, en 1936, à la demande du prince Louis II. Le fils de Jean-Baptiste, Gildo, rentre alors dans la société qui devient familiale et s’appellera désormais « J. B. Pastor Fils ». Devenus incontournables, les rois du béton bâtiront le Monaco dont le prince Rainier III a rêvé. Un précepte va guider les Pastor et assurera leur fortune : ne jamais vendre, seulement louer. L’enfouissement de la voie ferrée, libérant des milliers de mètres carrés constructibles, sera la poule aux oeufs d’or. Un incroyable jackpot. Pour exemple, sur les dix dernières années, les prix de l’immobilier ont bondi de 46 %, selon les statistiques officielles monégasques. Fils du petit maçon italien, Gildo Pastor a donné naissance à trois enfants, Michel, Victor et Hélène. A son décès en 1990, ces trois branches de l’arbre généalogique se sont partagé l’empire en parts égales. Les onze enfants de Michel, Victor et Hélène continuent de perpétuer le clan. Patrice Pastor, l’un des fils de Victor, a ainsi notamment repris la direction de « J. B. Pastor et fils ».
, année tragique pour le clan
L’année 2014, celle de l’assassinat d’Hélène, restera doublement tragique dans le clan Pastor. Victor, l’aîné, étant décédé en 2002, ne restaient que Michel et Hélène. Le premier, beau-père de David Hallyday, et qui fut un temps président de l’AS Monaco, décédera le 2 février 2014 des suites d’une longue maladie. En mai de la même année, sa soeur sera assassinée. Au coeur de Fontvielle, quartier de la première extension en mer, trône le symbole de la réussite du clan : le Gildo Pastor Center. Bâti à un endroit où il n’y avait que la mer quand Jean-Baptiste, le maçon, a débarqué en Principauté. Un symbole. C’est de là qu’Hélène Pastor, la milliardaire assassinée, gérait ses affaires. Gildo et Sylvia, ses enfants, qui seront sur le banc des parties civiles lors du procès, sont désormais les héritiers d’une fortune estimée à 12 milliards.
1. Auteur de Monaco sous l’occupation, éditions Nouveau Monde