Des voyous, un consul et un
Le 6 mai 2014, 18h15. Le Chrysler Voyager noir glisse lentement sur le parking de l’hôpital l’Archet, sur les hauteurs de Nice. Un homme s’approche de la voiture avec un fusil de chasse, crosse sciée, canons superposés. Deux coups de feu claquent. La vitre teintée côté passager explose. Le monospace finit sa course contre un trottoir près de la barrière de sortie. A l’intérieur, Mohamed Darwich, 56 ans, et Hélène Pastor, 77 ans, sont agonisants, criblés de plombs. La scène n’a duré qu’une poignée de secondes. Deux hommes s’enfuient à pied par un chemin de traverse. Les policiers convergent sirènes hurlantes vers le 151, route de Saint-Antoine. On est à l’aube d’une des affaires criminelles les plus retentissantes de la Côte d’Azur. Le sac Kelly de la riche Monégasque est resté en évidence sur le tableau de bord. Belle, sa chienne, est découverte prostrée sur la banquette arrière. Qui a pu vouloir tuer cette femme si discrète, inconnue du grand public, héritière d’une puissante famille monégasque propriétaire d’un quart de l’immobilier du Rocher ? A elle seule, Hélène Pastor pèserait 12 milliards d’euros. Qui savait qu’elle venait régulièrement à Nice au chevet de son fils Gildo, en convalescence après un accident vasculaire cérébral? Son chauffeur était-il la cible désignée ou une victime collatérale? Les questions se bousculent dans la tête du commissaire divisionnaire Philippe Frizon, expérimenté patron de la PJ de Nice, que le parquet de Nice a immédiatement chargé de l’enquête.
Double erreur
Les techniciens d’investigation criminelle s’affairent sur la voiture mais ce sont les premiers témoignages qui s’avèrent précieux. Une jeune femme a croisé les tueurs présumés : elle affirme qu’il s’agit de deux hommes noirs. Des riverains confirment. L’un portait une casquette rouge et un sac «Foot Locker». Les enregistrements des caméras de vidéosurveillance donnent du crédit à ces premiers témoignages. Sur les vidéos, deux hommes correspondent aux descriptions. Celui qui porte la casquette «Grand Prix de Monaco» joue le rôle du guetteur. Un autre attend sur le parking de l’hôpital. Les deux individus sont arrivés séparément en taxi entre 18 h 30 et 19 heures. C’est la première erreur des tueurs. La brigade criminelle part aussitôt en quête des chauffeurs de taxi. La seconde erreur est d’avoir commandé un taxi par téléphone. Les policiers tirent ce fil d’Ariane ténu. L’exploitation des bornes déclenchées par ce téléphone portable donne une nouvelle indication de taille : les deux inconnus sont arrivés par le train en milieu d’après-midi en provenance de Marseille. Le 8 mai, l’exploitation des bandes de vidéosurveillance des gares SaintCharles à Marseille et Nice-Thiers est fructueuse. Les deux hommes ont été filmés. Y compris lors d’un rendez-vous sur la Canebière. Reste à mettre un nom sur ces visages. La reconstitution de leur itinéraire meurtrier se poursuit, minutieusement. Les enquêteurs déroulent les images des caméras de vidéosurveillance. L’un des deux hommes est repéré rue Assalit à Nice. Là encore, l’enquête de voisinage s’avère décisive. L’employé d’un hôtel reconnaît les clients du 6 mai qui ont réservé deux chambres pour ne finalement pas y dormir. La femme de ménage a mis de côté un flacon de gel douche. Une recherche ADN est demandée en urgence. Le 10 mai, Mohamed Darwich, père de trois enfants, au service de la famille Pastor depuis des décennies, succombe à ses blessures. Il n’a pu être interrogé. Un commandant de la brigade criminelle tente d’entendre Hélène Pastor sur son lit d’hôpital. A-t-elle été menacée? Se connaît-elle des ennemis ? L’audition tourne court. La milliardaire, très affaiblie, murmure : «J’ai peur… J’ai des choses à vous dire. » Elle décède le 21 mai d’un choc septique et emporte avec elle ses secrets. A Monaco, où la criminalité est quasi inexistante, l’annonce de sa mort provoque un séisme.
communications passées au crible
Le 16 mai, les policiers découvrent que l’un des téléphones portables a servi à appeler un numéro géolocalisé dans une prison du Sud-Ouest, plus précisément dans la cellule d’un détenu marseillais. Parmi ses amis, un certain al-Hair Hamadi. Sa photo retrouvée dans les fichiers ressemble étrangement à l’un des deux suspects de Nice. Le lendemain, le laboratoire livre ses résultats : l’empreinte génétique relevée sur le gel douche est celle d’un certain Samine Saïd Hamed, Marseillais connu de la justice. Hamadi le guetteur, Saïd Hamed