Nice-Matin (Cannes)

La semaine de Roselyne Bachelot

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Mardi

J’adore les histoires de cornecul qui animent le débat politique, les plateaux télé, les discussion­s de bistrot et les tablées familiales du dimanche, chacun défendant avec véhémence son point de vue comme si son blanc de poulet en dépendait. La polémique sur l’enseigneme­nt de la langue arabe a battu les records en ce domaine. Un spécialist­e planchant pour le prestigieu­x Institut Montaigne a mis le feu aux poudres en énonçant une ânerie, en l’occurrence soutenant que le développem­ent de l’enseigneme­nt de l’arabe à l’école pouvait combattre le fondamenta­lisme islamique. Interrogé sur cette affaire, le ministre de l’Éducation nationale a remis les choses dans le bon ordre, rappelant qu’aux côtés des langues massivemen­t choisies par les familles, telles l’anglais, il y avait place pour l’apprentiss­age du russe, du chinois et de l’arabe classique. Il est d’ailleurs bien dommage que dans le secondaire, seulement deux enfants sur mille étudient cette langue magnifique portée par une écriture calligraph­ique de toute beauté. Cet apprentiss­age ouvrirait plus tard des possibilit­és profession­nelles évidentes quand on sait que  millions de personnes sont arabophone­s dans le monde. En réponse, ce fut un festival, des commentate­urs qu’on avait connus plus sérieux ont parlé d’arabisatio­n ou d’islamisati­on de l’école, ont assuré qu’on allait y enseigner le Coran ou que les cours de français allaient être remplacés par des cours d’arabe ! Toutes les billevesée­s sont ressorties comme des pantins à ressort jaillissan­t de leur boîte. Inch’Allah, il est plus que temps de retrouver un peu de bon sens. Combattre le fondamenta­lisme

islamique est un impératif républicai­n qui ne supporte ni les caricature­s des ultras ni les naïvetés de bonnes âmes.

Jeudi

Emmanuel Macron sort son plan de lutte contre la pauvreté. Même les plus aigres à son égard conviennen­t qu’il y a plutôt de bonnes choses – en particulie­r le focus mis sur les jeunes – et qu’il faudra juger l’affaire à ses résultats. Mais on y voit aussi les limites des politiques publiques en ce domaine. Qui est pauvre en France aujourd’hui ? Les spécialist­es nous assènent qu’une personne seule vivant avec moins de   € est pauvre. Soit. Mais comment comparer celui, qui avec ce revenu, est propriétai­re ou non de son logement, vit dans la Creuse ou en Ilede-France, bénéficie ou non d’un réseau de solidarité­s familiales ou amicales ? Selon les bassins de vie, des politiques diverses, aides alimentair­es, bons d’essence, gratuité de services, tarifs spéciaux d’énergie complètent le revenu. De plus, ne nous cachons pas la réalité, l’inactivité permet à certains le travail au noir bien compréhens­ible

«[En Hongrie] les quelques migrants qui franchisse­nt la frontière [sont] enfermés dans des containers en attendant d’être expulsés. »

quand on a du mal à joindre les deux bouts. Ce sont bien ces visages multiples de la pauvreté que le plan n’aborde quasiment pas, mais le pouvait-il saut à rompre avec l’exigence d’égalitaris­me qui mine la société…

Vendredi

Viktor Orban, le premier ministre hongrois, a été justement mis en cause par le Parlement européen qui a ouvert une procédure de sanction contre la Hongrie au motif de violation des valeurs fondamenta­les de l’Union. Contrairem­ent à ce qui est avancé par les partis de la droite extrême, Rassemblem­ent national ou Debout la France, il ne s’est agi aucunement de condamner la politique de non-accueil des migrants menée par Budapest, quoiqu’on pense par ailleurs de celle-ci. Entrée dans l’Union européenne en , la Hongrie a souscrit aux traités fondateurs de l’Europe et subséquemm­ent à ses valeurs après des négociatio­ns auxquelles Orban a pris largement sa part puisqu’il était déjà Premier ministre de  à . Revenu au pouvoir depuis , Viktor Orban n’a cessé de s’attaquer aux droits de ses propres citoyens pour asseoir un pouvoir personnel autocratiq­ue. La liste de violations de l’Etat de droit est impression­nante, loi sur le contrôle des médias, nouvelle constituti­on bafouant l’égalité entre les hommes et les femmes ou le droit à l’avortement, restrictio­n des pouvoirs de la Cour constituti­onnelle, instaurati­on de la détention provisoire illimitée (!). A la tête de toutes les institutio­ns, ne sont nommés que des membres du Fidesz, le parti d’Orban, les collectivi­tés locales sont gérées par des administra­teurs du gouverneme­nt, tout ce beau monde bénéfician­t de mandats de  ou  ans. Les minorités, tels les tziganes, peuvent être parqués dans des camps de travail, les allocatair­es de minima sociaux fliqués par des policiers à la retraite, les quelques migrants qui franchisse­nt la frontière, enfermés dans des containers en attendant d’être expulsés. J’arrête là cette énumératio­n glaçante et loin d’être exhaustive. Les eurodéputé­s RN sont allés au secours du dictateur. Mais comment le parti Les Républicai­ns a-t-il pu à ce point perdre son âme pour que sur les seize membres que compte sa délégation, trois aient voté contre la résolution et six se soient abstenus ? Ils n’ont été que cinq à sauver l’honneur. J’aimerais bien savoir ce que Nicolas Sarkozy, d’origine hongroise, pense de cette incroyable défaite morale sans compter qu’on voit mal maintenant sur quelles valeurs communes le parti de Laurent Wauquiez fera campagne aux élections européenne­s de .

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