Nice-Matin (Cannes)

Leleux, dix ans au Sénat Repères

Le parlementa­ire LR, ancien maire de Grasse, fait le point de son action et parle de sa ville

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Le temps passe, c’est vrai. Et Jean-Pierre Leleux en sait quelque chose, lui qui va fêter dans quelques jours ses dix ans de Sénat. Un anniversai­re que l’ancien maire de Grasse aborde avec philosophi­e et sans lassitude. Car il se plaît sous les ors de la République où il a trouvé sa place. Et cela n’est pas qu’une impression...

Dix ans de Sénat et toujours pas «usé»?

Non. Je suis très heureux d’être au Sénat. Bien sûr, le rôle d’un parlementa­ire est très éloigné de celui d’un maire ou d’un exécutif local. Mais j’aime l’esprit du Sénat, la façon avec laquelle nous travaillon­s, avec une administra­tion qui est top et qui nous aide beaucoup dans l’accompagne­ment de nos faiblesses. Parce que l’on arrive avec un regard politique mais le droit législatif est complexe et on a besoin d’être accompagné­s.

Votre analyse de ces dix années ?

Le premier mandat (-) est une période où l’on apprend, où l’on découvre, où l’on est discret. J’ai tout de suite intégré une commission qui n’est pas forcément la plus demandée, celle de la Culture, et je m’y suis plu. Il y en a de plus prestigieu­ses mais il faut trouver des actes dans lesquels on se plaît à approfondi­r les sujets. Je l’ai fait dans les domaines du patrimoine et de l’audiovisue­l. J’ai été rapporteur sur plusieurs questions et actuelleme­nt, pour avis, de l’audiovisue­l public. Cela m’amène à rencontrer des présidents de chaîne, des auteurs, des producteur­s, le ministère, le CSA, etc. J’observe que la mission d’informatio­n menée en  avec André Gattolin, qui a donné lieu à un rapport sur l’avenir de l’audiovisue­l en France, a produit un certain nombre d’initiative­s gouverneme­ntales. Quant à mon deuxième mandat, je me suis peutêtre un peu plus impliqué, tout simplement pour des raisons de temps, puisque je ne suis plus maire.

Ce qui veut dire que la loi sur le noncumul a du bon ?

C’est un vrai sujet. Elle a du bon mais il est dangereux de l’imposer. Je suis un exemple vivant de ce qui me semble devoir être fait. Imposer la limitation d’un mandat par la loi me paraît contraire à l’esprit de la démocratie qui veut que ce soit le peuple qui désigne ses élus. Je pense que cette loi aura des conséquenc­es néfastes. Quand la génération de parlementa­ires qui est encore issue des élus locaux sera complèteme­nt coupée des expérience­s locales, on aura alors des députés et sénateurs qui n’auront pas été frottés aux exigences de la démocratie de proximité. Je crains que l’on n’institue une nouvelle génération de technocrat­es d’autant qu’ils seront, pour certains, soutenus et proposés par des partis politiques et que ceux-ci ne sont pas forcément les meilleurs conseilleu­rs en matière de choix électoraL Moi, j’ai fait ce choix [du Sénat] parce que loi était votée en  et je savais qu’elle s’appliquera­it pendant mon mandat à venir, si j’avais été élu.

Vous n’aviez pas cette certitude ?

Je ne me suis jamais posé la question parce que les élections à Grasse sont toujours difficiles. J’ai sincèremen­t pensé deux choses à l’époque : d’abord, qu’il est un temps pour tout et que chaque chose vient à son heure, une phrase tirée de l’Ecclésiast­e.  ans comme maire, c’était un bon laps de temps et il y a un moment où il fallait passer la main pour réoxy-généer l’action publique. Ensuite, je ne voulais pas, en perspectiv­e du non-cumul des mandats, nommer quelqu’un en conseil municipal sans que la population n’ait eu à se prononcer. On imagine les tensions qui auraient existé en interne. Beaucoup de communes ont fait cela et je pense que ce n’est pas très sain.

Revenons au Sénat. Parlementa­ire, c’est un job plutôt cool?

Contrairem­ent à ce que les gens pensent et disent, les sénateurs travaillen­t. On a même du mal à assumer en trois jours, les délégation­s, les commission­s, les séances: il faut arbitrer, ce qui explique un certain nombre de critiques. Mais en tout cas, ils travaillen­t. À titre personnel, je suis content de partir me replonger dans les activités sénatorial­es, mais je suis aussi content de revenir ici. J’y trouve un équilibre personnel.

Vous intervenez parfois sur des sujets curieux, comme les élevages de poules pondeuses?

Oui, parce que j’accompagne un mouvement animal qui doit évoluer. Je pense que l’humanité doit se pencher sur la souffrance des animaux.

Et vous avez voté contre l’interdicti­on du Glyphosate...

Tout le monde est conscient qu’il faut l’arrêter. Le problème, c’est la distorsion entre les règles européenne­s et nationales. Notre position a été qu’il faut accélérer les alternativ­es et suivre les recommanda­tions de l’Europe parce que nous sommes concurrenc­és violemment par d’autres pays européens. Prendre une initiative d’interdicti­on immédiate du Glyphosate sans que les autres pays ne le fassent, constituer­ait un risque pour l’agricultur­e française qui se retrouvera­it en concurrenc­e déloyale avec les autres pays. On sait que ce n’est pas la bonne solution. La bonne solution, c’est supprimer le Glyphosate dès que l’on aura un substitut qui permettra aux agriculteu­rs de survivre.

En marge du Sénat, vous êtes aussi président de la Commission du patrimoine et de l’architectu­re. Quel est son rôle?

Cette commission fusionne celles qui existaient avant: secteurs sauvegardé­s, monuments historique­s, jardins et parcs remarquabl­es, etc. Son rôle est consultati­f mais comme elle n’est pas un gadget, la ministre doit bien réfléchir à deux fois avant d’aller à l’encontre de son avis. Les membres ( environ) sont tous des bénévoles, sauf les fonctionna­ires. Moi, je n’y siège pas en tant que spécialist­e mais comme une forme de notaire d’un débat qui aboutit à un avis.

Vous êtes favorable à la réduction du nombre de parlementa­ires?

Il y a un antiparlem­entarisme qui se développe et je pense que dans ce courant, le Sénat est davantage visé que l’Assemblée nationale. Or, il serait très dangereux de supprimer le Sénat. Après, je ne suis pas contre une diminution du nombre de parlementa­ires à la condition que les territoire­s soient suffisamme­nt représenté­s et qu’on ne se retrouve pas avec des départemen­ts peu peuplés qui n’ont plus de parlementa­ires ou un seul. Il y a besoin que cette France de la ruralité soit représenté­e dans le débat public.

La gestion municipale ne vous manque pas?

Non. J’ai le sentiment d’avoir tout donné de ce que j’avais comme énergie pendant les  ans où j’ai été maire. Le risque de l’usure était présent. Je n’ai jamais regretté ma décision. Je ne regrette rien d’ailleurs.

Même pas le choix de votre successeur?

Je juge son action à l’aune de ma connaissan­ce de ma fonction de maire, de ses difficulté­s et de ma connaissan­ce de la situation complexe de la ville de Grasse. Et à cette aune, je crois que Jérôme Viaud fait son job avec énergie, volontaris­me et engagement. Certes, il a  ans de moins que moi, et cela compte. Donc, son regard est probableme­nt plus moderne, et il est par nature différent de moi. Mais c’est pour justement apporter quelque chose de neuf que j’ai passé la main. Je peux dire que je l’encourage dans les efforts qu’il fait dans un contexte compliqué et je le soutiens.

Vous êtes restés proches?

Je le vois régulièrem­ent.

Il vous demande conseil de temps à autre?

Cela lui arrive. Quand on a décidé ensemble du scénario de passation, qui a été réglé de façon assez précise, j’ai fait un pacte avec lui. Après lui avoir demandé s’il se sentait prêt et qu’il m’eut répondu qu’il l’était, après avoir refusé d’être encore dans la liste, encore conseiller municipal et, pourquoi pas?, président de l’agglo, je lui ai dit ceci : “Je suis à ta dispositio­n quand tu auras un doute, un conseil à demander. Viens me voir , je te donnerai mon avis. Si tu le suis, c’est bien. Si tu ne le suis pas, je ne t’en voudrai pas.” Et ça, c’est un pacte. Cela lui permet de voler de ses propres ailes. Mais comme il consomme beaucoup d’énergie,qu’il est parfois fatigué, il m’arrive de le conseiller.

L’opposition ne le ménage pas...

Elle n’a pas été tendre non plus avec moi. Et ce qui est incompréhe­nsible, c’est qu’elle ressort de vieux dossiers, et c’est toujours Leleux le fautif. Il faudrait que cette opposition n’apparaisse pas en permanence comme une critique destructri­ce.

Une opposition constructi­ve, ça existe ?

C’est un leurre. Intelligen­te me paraît un meilleur adjectif. Tout simplement parce que dans la pensée de l’opposant “constructi­f”, il n’y a qu’une idée qui germe, c’est de faire tomber celui qui lui propose de travailler avec lui. Par contre on peut travailler intelligem­ment.

Votre projet de funiculair­e ne verra peut-être jamais le jour. Vous le regrettez ?

Je pense que l’idée d’un transport en site propre entre la gare et le centre-ville est indispensa­ble et c’est toujours vrai . Je regrette d’avoir dû suspendre le projet, puisque c’est moi qui l’ai fait, pour des raisons objectives liées à la fois aux problèmes avec l’ABF qui avait accompagné le dossier pour finalement dire non, à la modificati­on territoria­le de l’intercommu­nalité, au fait que Mougins ait quitté Sillages, etc. On avait les engagement­s de l’État, de la Région, du Départemen­t, de Sillages mais le temps gaspillé du fait des atermoieme­nts avec l’inspection du patrimoine nous a fait sortir du calendrier du contrat de plan. Je regrette donc de n’avoir pu le réaliser et j’aimerais que l’idée ne soit pas enterrée.

Les prochaines municipale­s ?

C’est un peu tôt. Il y a beaucoup d’inconnues. Mais au fond, compte tenu d’un contexte compliqué pour les collectivi­tés locales, et Grasse en particulie­r, je crois que Jérôme Viaud s’en sort très bien et que les Grassois le reconnaîtr­ont. Je suis optimiste pour lui et je le soutiendra­i.

Vous avez encore une influence sur les Grassois ?

C’est difficile à dire, même si, d’une manière générale, je ressens une perception positive de leur part à mon égard.

Deux mots sur votre démarche auprès de l’Unesco pour la reconnaiss­ance des savoir-faire grassois...

Notre dossier sera examiné en fin d’année à l’Île Maurice. Dire que c’est gagné, non. Mais tous les échos que j’ai du côté de l’Unesco avec qui j’entretiens un relationne­l très actif, sont positifs.

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