Nice-Matin (Cannes)

École: les évaluation­s en CP et CE font polémique

Dans une vidéo postée sur le Net, le SNUIpp, syndicat enseignant, décortique des « exercices piégeux » sur lesquels plancheron­t les écoliers. Et d’appeler les instits à entrer en résistance

- VÉRONIQUE MARS

Des blocs affichant des lettres, sans logique, ni sens. Vingt-quatre groupes de lettres que les élèves de CP doivent examiner, en deux minutes chrono, pour y dénicher des « intrus ». Autre exercice, cette foisci soumis aux élèves de CE1 : lire un texte court et répondre à quatre questions en huit minutes. Facile ? Sauf que ce texte parle de « sommeil paradoxal » de « glande pinéale » « d’hormone », de « mélatonine ». Des termes compliqués à saisir pour bon nombre d’adultes. A fortiori pour des petits bouts de 7-8 ans.

Diagnostiq­uer les lacunes

Postée sur Youtube, la vidéo réalisée par le SNUipp, principal syndicat enseignant du primaire, tourne en boucle sur le Net. Pour dénoncer la complexité d’une partie de ces « items » en français et en maths conçus par les experts du ministère. Des tests sur lesquels les CP et CE1 sont appelés à plancher à partir de cette semaine. À raison de trois séances de 20 minutes (deux en français, une en maths) à organiser, en classe, jusqu’à la fin du mois. L’objectif de ces évaluation­s nationales, nouveautés de la rentrée, est, selon le ministère, de repérer le plus tôt possible les élèves en difficulté­s, de diagnostiq­uer les lacunes pour y remédier. L’idée étant d’infléchir les chiffres têtus de l’échec scolaire qui ne varient pas depuis des décennies. Avec, à l’entrée au collège, 25 % des élèves qui ont des difficulté­s à lire, 27 % qui ne maîtrisent pas les bases des maths.

« Dans les écoles des Alpes-Maritimes, la colère gronde »

Sauf que cette méthode ne passe pas au sein du SNUIpp qui demande au ministère un « moratoire pour surseoir à ces évaluation­s ». Et d’appeler, via cette vidéo, les professeur­s des écoles à entrer en résistance en refusant de faire plancher leurs élèves sur tout ou partie de ces tests nationaux et obligatoir­es. Combien d’écoles dans les AlpesMarit­imes répondront à ces consignes syndicales ? « Impossible de le quantifier car les évaluation­s n’ont pas encore débuté, répond Gilles Jean, secrétaire départemen­tal de ce syndicat. Mais dans les écoles du départemen­t, la colère gronde. » Contre ces évaluation­s qui sont contestées sur le fond et sur la forme. Et d’expliquer que les professeur­s des écoles n’ont plus la main sur ces exercices conçus et corrigés par le ministère. « Leur rôle se borne à saisir sur ordinateur les réponses de leurs élèves. Puis d’attendre que tombe du ministère le diagnostic sur le niveau de leurs enfants qu’ils ont en classe toute l’année. C’est cela l’école de la confiance ? »

Des exercices « trop compliqués »

Sur le fond, sont pointés des exercices jugés « trop compliqués » à réaliser en temps compté « sans aucune aide de l’enseignant ». « Comme celui consistant à trouver parmi les mots perle, fleur, bille, homme, celui commençant par le même son que fille. Difficile pour des enfants, qui sortent de maternelle, de savoir que c’est « fleur » et non « bille », pointe Gilles Jean. Si l’objectif était de démontrer que rien ne va en maternelle, on ne se serait pas pris autrement. »

« Évaluer les compétence­s cognitives »

Pour désamorcer la polémique, Franck Ramus, membre du conseil scientifiq­ue, à l’origine de ces évaluation­s a expliqué, dans les colonnes du Figaro, la logique de ces tests qui, contrairem­ent à des exercices, n’ont pas une visée pédagogiqu­e. L’idée n’est pas de cerner «cequiaété fait en maternelle (...) mais d’évaluer des compétence­s cognitives qui sont des prérequis pour le programme de maths et de français ». Avant d’être soumises, ces évaluation­s ont été testées, lors d’une étude pilote préalable. Y compris le texte relatif au sommeil paradoxal et à la glande pinéale. Un exercice, qui selon ce scientifiq­ue, a été réussi par 53 % des élèves de CP testés, « car les questions ne portent pas sur ces mots compliqués. » Un message difficile à entendre par les enseignant­s pour qui ces tests sont « piégeux » source de « stress inutile » pour les écoliers.

Newspapers in French

Newspapers from France