Pastor : la PJ de Nice tient tête aux avocats de Janowski
Mes Dupond-Moretti et Febbraro ont attaqué hier les policiers niçois qui ont mené l’enquête sur les assassins de la milliardaire monégasque Hélène Pastor. Sans réellement marquer des points
Quand, un mois et demi à peine après le double assassinat d’Hélène Pastor et de Mohamed Darwich vingt-trois personnes sont interpellées en juin 2014, les policiers de la PJ de Nice se pincent pour y croire. La modestie de ses équipes dut-elle en souffrir, le commissaire divisionnaire Philippe Frizon, au deuxième jour du procès Pastor, se présente devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône avec « une enquête aboutie, hors normes ». « Il est très rare dans ce type d’affaire de remonter jusqu’au commanditaire, d’interpeller l’ensemble des participants », poursuit le chef de la PJ de Nice. Sur le banc de la défense, Me Eric Dupond-Moretti bout, dodeline de la tête pour marquer sa désapprobation. Les routes de ces deux hommes se sont déjà croisées lors du procès des accusés de l’assassinat du préfet Erignac. Le ténor s’en était pris aux méthodes de la Direction nationale de l’antiterrorisme à laquelle appartenait le commissaire Frizon. Cette fois, il conteste farouchement les conditions de garde à vue de son client Wojciech Janowski qui a avoué être le commanditaire d’un double assassinat payé 140 000 euros. « Cette garde à vue a été validée par la Cour de cassation », observe Philippe Frizon, imperméable aux critiques. « Dans un arrêt scandaleux », tonne Eric Dupond-Moretti qui a demandé, depuis, à la justice européenne de se prononcer.
« Un attrait certain pour l’argent »
Les aveux du consul honoraire de Pologne de Monaco ont beau avoir une valeur juridique très relative (puisqu’il n’était pas assisté d’un avocat), ils font mauvais effet sur les jurés. La défense le sait et cherche à toutes fins à remettre en cause la loyauté des policiers. Le commissaire Frizon déroule son enquête, souligne « l’amateurisme du guetteur et du tireur » (lire par ailleurs), évoque la part de chance et le travail acharné que nécessitent ces investigations. Grâce à la vidéosurveillance, la PJ a reconstitué l’itinéraire précis de Saïd Ahmed et Al Haïr Hamadi de 11 h 33 à minuit, de Marseille à Nice, séquence par séquence. L’analyse de la téléphonie des premiers suspects permettra, dès le 29 avril, d’identifier Abdelkader Belkhatir, le beau-frère de Pascal Dauriac, également coach sportif de Wojciech Janowski, homme au-dessus de tout soupçon. La boucle était bouclée. Placés en garde à vue, «six accusés ont reconnu leur implication à des degrés divers », rappelle le commissaire. « Ils ont des profils très différents mais un point commun : un attrait certain pour l’argent », conclut-il après une heure trente d’exposé. « Je vous connais par coeur », lâche Me Eric Dupond-Moretti, qui a la tête des mauvais jours. Ce sont les méthodes Marion ! », s’emporte l’avocat en référence à l’ancien patron de la DNAT (division nationale anti-terroriste) dont Philippe Frizon était l’adjoint au moment de l’affaire Colonna. « Êtes-vous sûr que Dauriac dit la vérité ? » « Vous n’avez pas d’éléments alors sortez les vieilles histoires, les vieux procès », répond du tac au tac le commissaire Frizon.
Garde à vue ou stratagème
La défense qualifie la garde à vue de Sylvia Pastor, la compagne de Janowski de « stratagème » pour faire craquer le consul. Elle insinue que des interpellations ont été programmées à dessein au moment de la grève des avocats. La commandante Catherine Messineo, à l’époque à la brigade criminelle de Nice, lève les yeux au ciel. Elle aussi n’est pas ménagée par Me Dupond-Moretti. Mais elle ne s’en laisse pas compter et répète que «Janowski, les trois premiers jours de sa garde à vue, refuse à la fois un interprète et un avocat ». Et d’ajouter : « Dauriac était en contact à la fois avec Janowski et Sylvia Pastor. Il était logique qu’on les place tous les deux en garde à vue. » La policière estime que Janowski a été traité avec « bienveillance ». Sourire narquois de Me Dupond-Moretti qui reproche le ton peu amène de certains interrogatoires. C’est avec cette même « bienveillance », selon le commandant Messineo, que Janowski a été autorisé hors cadre procédural, à rencontrer Sylvia et à confesser une nouvelle fois ses crimes. « C’était, disait-il, pour sauver Sylvia dont le cancer était causé par le stress que lui provoquait Mme Pastor », commente Catherine Messineo. Autrement dit un crime altruiste... Que l’accusé conteste totalement désormais. Suite du procès aujourd’hui avec l’audition des témoins du double assassinat sur le parking de l’hôpital l’Archet de Nice.