Nice-Matin (Cannes)

Alexandre Benalla: «Je ne suis pas un voyou»

Interrogé sous serment par la commission d’enquête du Sénat, l’ancien chargé de mission s’est montré à l’aise et prolixe. Il a retracé son parcours, niant avoir été le garde du corps du Président

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Il est bien venu, sans solliciter le huis clos. Alexandre Benalla a répondu, hier matin, plus de deux heures trente durant et en direct à la télé, aux membres de la commission d’enquête du Sénat. Cette audition n’aura toutefois apporté aucune réponse sur l’essentiel, les violences du chargé de mission au cabinet présidenti­el le 1er-Mai. Le volet judiciaire était, en effet, exclu de l’audition, en vertu de la séparation des pouvoirs. Les sénateurs ont donc surtout cherché à en savoir plus et sur le parcours d’Alexandre Benalla et sur ses prérogativ­es à l’Elysée.

« Acharnemen­t »

«J’ai ressenti un acharnemen­t médiatique et politique, instrument­alisé à des fins politiques. » Ceci posé, et après s’être excusé pour ses propos virulents de la semaine précédente à l’égard de Philippe Bas, le président de la commission qualifié de «petit marquis», Alexandre Benalla s’est montré coopératif, volubile même, sans jamais paraître hésitant. Etonnammen­t à l’aise, pugnace et factuel dans ses réponses, l’ancien adjoint au chef de cabinet du président de la République, âgé de 27 ans à peine, a d’abord été invité à retracer son ascension express. Il a raconté son expérience de bénévole lors de la campagne de François Hollande en 2012, son passage au cabinet d’Arnaud Montebourg durant trois mois, puis son recrutemen­t, le 5 décembre 2016, « sollicité par un camarade », comme directeur de la sécurité de la campagne d’Emmanuel Macron, « pour 3500 € net par mois, un salaire divisé par trois par rapport à celui de responsabl­e de la sécurité de l’Office européen des brevets que j’occupais auparavant ».

Fonction d’interface

«Après la victoire, le directeur de campagne m’a demandé ce que je souhaitera­is faire, sur la base des capacités que j’avais démontrées en matière d’organisati­on générale sur le terrain. J’ai été appelé par le service des ressources humaines de la présidence de la République et recruté sous statut comme chargé de mission près du chef de cabinet [pour 6000 euros net par mois, ndlr] .» Titulaire d’un Master 1 sécurité obtenu à Clermont-Ferrand, Alexandre Benalla a assuré sous serment « n’avoir jamais été ni policier ni garde du corps du Président ». « Je n’avais pas de fonction opérationn­elle de sécurité, mais une fonction administra­tive, d’interface », a-t-il précisé, détaillant quatre types de missions : l’organisati­on des déplacemen­ts nationaux, celle des événements à l’Elysée, celle des déplacemen­ts privés du Président et la coordinati­on des services de sécurité. Il a par ailleurs indiqué avoir sollicité et finalement obtenu une autorisati­on de port d’arme pour «sa protection personnell­e et non celle du Président », même s’il «a pu arriver qu’il porte cette arme lors de déplacemen­ts publics ou privés du Président, trois fois en un an ». Quant à son badge d’accès à l’Assemblée nationale, M. Benalla a reconnu un «caprice personnel» pour se rendre à la bibliothèq­ue et à la salle de sport du Palais-Bourbon.

« Baladés »

En verve et droit dans ses bottes – « Je ne suis pas un voyou ni une petite frappe » –, Alexandre Benalla n’aura pas convaincu pour autant les sénateurs qu’il n’a pas franchi la ligne infime entre ses fonctions de coordinati­on et des interventi­ons de sécurité directe. « On est toujours devant les mêmes invraisemb­lances. Ce qui est très gênant, c’est qu’on se sente baladés et qu’on puisse nous asséner des contrevéri­tés contredite­s par les faits, comme ça, sous serment » ,a ainsi déploré François Grosdidier, sénateur LR. Et beaucoup campent sur leur conviction qu’Alexandre Benalla, homme à tout faire madré qui avait su se rendre indispensa­ble, jouissait d’un statut privilégié dans l’entourage présidenti­el.

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