Trente ans après, le projet s’est bien dégonflé
Avec le recul, on se dit mais comment a-t-on pu avoir l’idée de jeter, en toute légalité, des milliers de pneumatiques dans la mer dans l’espoir de créer un habitat pour la faune et la flore ? Justement, des décennies ont passé et, maintenant, on connaît les risques de pollution engendrés par ces caoutchoucs issus des produits pétrochimiques. L’Anses, l’agence nationale de sécurité environnemental et sanitaire, vient de confirmer que les broyats de pneus usagés, utilisés pour le revêtement en sous-couche des terrains de sport et des aires de jeux pour enfants, contiennent « des hydrocarbures cancérogènes, des composés organiques volatils, du plomb, des phénols, du zinc, etc ». Mais dans les années 80, c’est une autre histoire... « Les connaissances relatives à l’écotoxicité étaient balbutiantes » rappelle Christophe Aubel, directeur général de l’AFB. Entre 1980 et 1982, 25 000 pneumatiques sont immergés sur deux secteurs de la zone marine protégée (ZMP) de Golfe-Juan qui vient d’être créée par la DDE et les pêcheurs locaux. On s’inspire des Etats-Unis, où, dix ans auparavant, des millions de pneus ont été déposés au fond de l’océan, en Floride. La ZMP est,depuis 1986, gérée par le conseil départemental, le comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins et la prud’homie des pêches d’Antibes Golfe-Juan. L’objectif est de créer des récifs artificiels pour créer un nouvel habitat marin. Les pneumatiques sont immergés sur une surface d’environ un hectare, entre 20 et 40 mètres de profondeur. Le bilan est négatif. Selon les études, durant les premières années, la colonisation a été intéressante. Mais, au final, beaucoup moins que celle constatée dans les récifs artificiels en béton, situés à proximité. Surtout, les pneus ont été balayés par les courants. Les attaches en acier ont rompu, libérant les gommes sur plusieurs hectares. Les liens ont également dispersé des particules nocives. Pas de secret : les pneus sont trop légers et peuvent être emportés en cas de violentes tempêtes par les courants. Il y a quelques années, des dizaines de roues nomades avaient été récupérées et placées à l’intérieur de récifs artificiels. Une goutte d’eau, hélas, dans la mer.