Nice-Matin (Cannes)

Assises: la double tragédie de la fille d’Hélène Pastor

Sylvia Ratkowski-Pastor a témoigné hier au procès des assassins présumés de sa mère, la milliardai­re Hélène Pastor. Sous le regard de son compagnon, accusé d’être le commandita­ire

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Elle arrive à la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouchesdu-Rhône) flanquée d’un impression­nant garde du corps. Ses yeux bleus se perdent dans le vide, comme sidérée par l’accumulati­on de malheurs qui l’accablent, elle qui est née à Monaco une cuillère en or dans la bouche. Sylvia Ratkowski-Pastor, 58 ans, s’approche pour témoigner. « J’ai perdu maman et j’ai perdu l’homme de ma vie », murmure-telle, la gorge nouée par le chagrin. Son compagnon, le père de leur fille, est accusé d’avoir commandité l’assassinat de sa mère, la milliardai­re monégasque Hélène Pastor, 77 ans, tuée le 6 mai 2014 avec son chauffeur, à Nice. Un double drame intime exposé en pleine lumière, elle qui fut tant habituée à vivre dans l’ombre.

« Je ne l’ai reconnue que grâce à ses cheveux… »

Sylvia, surnommée « Sissi » chez les Pastor, est encore hantée par le visage détruit de sa mère, ravagé par les plombs de chasse : «Jene l’ai reconnue que grâce à ses cheveux… » Elle luttera vingt jours contre la vie et la mort à l’hôpital Saint-Roch. « Ma mère était très, très belle», rappelle Sylvia Ratkowski-Pastor. Hélène Pastor, femme au foyer, a été propulsée à 50 ans, au décès de son père, à la tête d’un empire immobilier. « Nous travaillio­ns à trois avec elle et mon frère. Les décisions se prenaient à trois. Ses voyages, sa vie sociale, elle ne les faisait qu’avec nous. » Se dessine peu à peu le portrait d’Hélène Pastor, femme au caractère bien trempé, autoritair­e, dont la discrétion est la vertu cardinale. Une discrétion qui confine à la solitude. L’homme qu’elle côtoie le plus est finalement son fidèle Mohamed Darwich, maître d’hôtel, cuisinier, chauffeur, qui est à son service sept jours sur sept, quinze heures par jour. La présence de cet homme à tout faire la rassurait, elle qui craignait tant pour sa sécurité et sa fortune. « Elle était pétocharde », confirme Sylvia. La morne vie d’une milliardai­re apparaît en filigrane. Les dissension­s familiales aussi, visibles à l’audience. Sur le banc des parties civiles, Gildo et Sylvia ne se parlent pas, séparés par leurs avocats respectifs.

« Je ne sais plus quoi penser »

«Croit-elle à la culpabilit­é de Wojciech Janowski?», questionne Me Giardardi, l’un des conseils de Gildo Pallanca-Pastor. Sylvia semble perdue. Quand Wojciech lui avait dit, alors qu’elle était gravement malade: «S’il t’arrive quelque chose, j’aurai plus rien », elle avait cru à une déclaratio­n d’amour. « C’était un papa attentif, y compris avec ma première fille », précise-telle. Cet homme « très intelligen­t » peut-il être à l’origine de ce double assassinat? « C’est tellement hallucinan­t que je ne sais plus quoi penser. Tellement insensé… J’espère que la Cour me donnera cette réponse. » Ils se sont rencontrés à une soirée alors qu’il travaillai­t à la SBM. Il était polonais, comme son père. Elle venait de divorcer. « On ne s’est plus jamais quittés», raconte Sylvia Ratkowski-Pastor. Elle l’imaginait à terme dans une banque monégasque. Lui, secret, disait investir au Canada et en Pologne. Elle lui faisait une confiance aveugle. Les enquêteurs de la police judiciaire lui ont ouvert les yeux. Les entreprise­s de son compagnon étaient des coquilles vides. Pire, il siphonnait avec régularité la majeure partie des 500 000 euros d’argent de poche qu’Hélène Pastor versait chaque mois à sa fille. Il lui mentait avec la même constance.

« J’ai eu une rage terrible »

« Vous avez recueilli les aveux de M. Janowski en quels termes ? », questionne le président Guichard. « C’était comme un tournis dans la tête. Je lui ai dit : tu as pensé aux enfants? C’est monstrueux. Franchemen­t, je ne comprends pas. Cela fait vingt-huit ans qu’on vit ensemble, ma mère n’a pas changé. J’ai eu une rage terrible.» Le jour du double crime, Wojciech Janowski était en Pologne. Il lui avait formelleme­nt interdit d’aller voir Gildo à l’hôpital. Sylvia voulait passer outre mais sa mère était trop en retard. Elle a compris qu’elle aurait pu figurer parmi les victimes. Pense-t-elle que le coaccusé, Pascal Dauriac, coach sportif du couple, avait le tempéramen­t pour résister à Janowski, lui demande son avocat, Me Mattei ? «Non» , répond-elle sans hésitation. Terrible ironie de cette affaire, elle se souvient soudain que Pascal Dauriac, « garçon bien élevé », « serviable », lui avait offert pour son anniversai­re un roman. Son titre : Chevrotine (d’Éric Fottorino, éd. Folio). « L’histoire d’un homme qui tue sa femme », précise en pleurs Sylvia Ratkowski-Pastor.

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(Photo Franz Chavaroche) Sylvia Ratkowski-Pastor a-t-elle été trahie par Wojciech Janowski, l’homme de sa vie ? Elle attend la vérité autant qu’elle la redoute.

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