Nice-Matin (Cannes)

Cancer du poumon, l’immunothér­apie gagne du terrain

Des biomarqueu­rs permettant de réduire la chimiothér­apie au bénéfice de l’immunothér­apie, des mécanismes de résistance aux traitement­s mieux connus ... Le Pr Hofman présente les avancées

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Les 6 et 7 septembre derniers étaient présents à Nice des médecins du célèbre MD Anderson Cancer Center (Houston, Texas, USA), considéré parmi les meilleurs spécialist­es au monde du cancer du poumon, des médecins et chercheurs. Une réunion organisée par le Pr Paul Hofman, dans le cadre d’un partenaria­t entre ce centre et le CHU de Nice (FHU OncoAge)/UCA, et qui a permis de faire le point sur les dernières avancées thérapeuti­ques contre cette maladie. Rencontre.

Quelques données clés concernant le cancer du poumon ?

Il diminue légèrement chez l’homme, mais progresse chez les femmes, parfois très jeunes : ,  ou  ans. On retrouve aussi de plus en plus de non-fumeurs parmi les malades ; ils représente­nt aujourd’hui  à  % des cas.

Comment explique-t-on ces évolutions ?

Concernant la progressio­n chez les femmes, elle s’expliquera­it en partie par le fait qu’elles commencent à fumer très tôt ( ans, contre - ans pour les garçons) et qu’elles ont plus de difficulté­s à se sevrer. Chez les non-fumeurs, on l’associe à l’allongemen­t de l’espérance de vie (le risque croît avec l’âge, même chez ceux qui n’ont jamais fumé) et probableme­nt aussi à la pollution atmosphéri­que, considérée un carcinogèn­e de type , au même titre que le tabac. Les cancers du poumon d’origine profession­nelle (e cause chez les non-fumeurs) tendent, eux, à se stabiliser.

Quelles sont les principale­s thérapies contre le cancer du poumon en  ?

Lorsque la tumeur est localisée, la meilleure chance de guérison reste la chirurgie. Pour les cancers du poumon avec des métastases, trois grands types de traitement­s sont proposés : chimiothér­apie, immunothér­apie (IT) et thérapie ciblée. Ces deux derniers types de traitement­s sont plus efficaces et mieux tolérés.

Quels traitement­s et pour qui ?

Pour  % des patients diagnostiq­ués à un stade métastatiq­ue, seule la chimiothér­apie peut à l’heure actuelle être envisagée.  % des patients, répondant à certains critères, sont d’emblée traités par IT et un quart environ des malades, qui présentent certaines mutations, bénéficien­t de thérapies ciblées.

Les progrès en IT ont suscité beaucoup d’espoir.

C’est légitime. Les choses évoluent à grands pas dans le domaine. Et l’on espère qu’à

court terme, de plus en plus en plus de patients, aujourd’hui traités par chimiothér­apie, pourront bénéficier d’une immunothér­apie en ère ligne.

Pourquoi n’est-ce pas déjà le cas ?

On manque encore de biomarqueu­rs d’efficacité, permettant de prédire que le malade répondra bien à l’immunothér­apie. Mais cela devrait être très bientôt le cas, puisqu’on vient de découvrir un nouveau biomarqueu­r : la charge tumorale mutationne­lle. En clair, on s’est aperçu que les tumeurs répondaien­t d’autant mieux aux traitement­s que les mutations étaient nombreuses. Cela s’explique assez simplement : plus une tumeur est mutée, donc agressive, plus forte est un certain type de réponse immunitair­e. Et donc l’immunothér­apie efficace. Notre laboratoir­e fait partie des six en France qui valident actuelleme­nt ce marqueur, que l’on devrait pouvoir utiliser dès  . Et l’on espère que tous les patients pourront en bénéficier.

Les progrès passent aussi par une meilleure compréhens­ion des mécanismes de résistance, dites-vous.

Le cancer est très « malin » ; il s’adapte rapidement aux traitement­s qu’on applique et n’y répond plus. C’est ce que l’on nomme la résistance. Lorsqu’apparaît ce type de phénomène, on peut aujourd’hui « changer le fusil d’épaule », et proposer immédiatem­ent d’autres molécules. Mais, on veut aller plus loin, en essayant de mettre en évidence les mécanismes de résistance très tôt, avant même que la progressio­n de la tumeur ne soit visible sur les radios. Et anticiper ainsi le changement de traitement.

Où en est-on de cette recherche ?

Ces mécanismes commencent à être bien connus pour ce qui concerne les thérapies ciblées et les immunothér­apies ; on avance plus lentement sur les résistance­s à la chimiothér­apie.

D’autres progrès ?

Oui, dans le champ de la chimiothér­apie. De nouveaux protocoles sont expériment­és qui associent un peu de chimiothér­apie et de l’immunothér­apie. La chimio permet en quelque sorte « de stimuler » la tumeur et par voie de conséquenc­e la réponse immunitair­e contre la tumeur. L’efficacité de l’immunothér­apie est alors accrue, avec un pronostic nettement amélioré. Ces protocoles nouveaux devraient arriver dès   en France. Plus globalemen­t, et grâce à toutes ces évolutions, on recense aujourd’hui de plus en plus de longs survivants parmi des malades dont le pronostic était récemment encore très sombre.

On peut « changer le fusil d’épaule » Pr Paul Hofman Anatomo-pathologis­te

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Parmi les défis à relever, figure la mise en évidence très précoce des mécanismes de résistance, de façon à changer de traitement avant même que les examens radiologiq­ues ne révèlent une progressio­n de la tumeur. (Photo d’archive C.D.)
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