Nice-Matin (Cannes)

À la folie

Anne Charrier interprète la mère fantaisist­e dans En attendant Bojangles. Une pépite aux milles facettes à voir demain et mercredi sur la scène d’Anthéa

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin. fr

Une pépite qui laisse sa place à la folie. La vraie. La dévastatri­ce, la dévorante, la séduisante, l’amoureuse, l’inconditio­nnelle. Avec son roman d’une tendresse absolue, Olivier Bourdeaut a conquis le coeur des lecteurs. Désormais, c’est sur les planches que son texte prend vie. Avec des étincelles et l’absolue magie de rendre l’incroyable palpable. En attendant Bojangles propose de découvrir une famille unique, avec, dans le rôle de la maman plus que fantaisist­e : Anne Charrier. Retrouvez-la dès demain au théâtre Anthéa.

Qu’avez-vous pensé du roman d’Olivier Bourdeaut ?

C’est un coup de coeur absolu. J’ai été très touchée par l’histoire, par le point de vue de l’enfant sur tout ça, par le fait que ce soit une tragédie mais traité à la façon d’une comédie presque… Parce qu’il y a beaucoup de panache et de joie dans tout ça. Même si on sent que le drame est inéluctabl­e il y a cette joie éclatante qui nous y accompagne.

Du coup vous avez sauté au plafond quand on vous a proposé le rôle de la mère ?

Absolument ! D’ailleurs, je m’étais dit en le lisant que j’adorerais jouer ce type de personnage ! J’ai bien dit « ce type » : c’était impensable de penser que cela aurait pu être possible de jouer son rôle !

C’est un sacré challenge pour Victoire Berger-Perrin de signer l’adaptation et la mise en scène d’un texte qui a séduit tant de lecteurs…

D’autant plus que c’est une première mise en scène. Elle a effectué un travail très délicat, elle a su conserver l’essentiel du récit : les grandes lignes et le coeur de l’histoire. Les battements de coeur, oui.

C’est une oeuvre qui ne laisse pas le choix : il faut créer l’osmose parfaite entre les trois comédiens !

Il a fallu travailler sur la complicité, sur l’écoute… En même temps je vous dirai que c’est la même chose pour chaque pièce : il faut qu’on arrive à trouver une zone d’entente entre nous qui est « hors les mots ». Il y a quelque chose qui se fait sur l’expérience en commun, sur le temps. J’ai la chance d’avoir des partenaire­s merveilleu­x.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le rôle de la mère?

Cette lutte contre elle-même pour ne pas s’écouter, ce combat qu’elle mène. Jamais elle ne va baisser les bras. Elle se bat jusqu’au bout contre cette nostalgie très violente qui la happe parfois. C’est ça qui me touche chez elle.

Un rôle fort, prenant !

Ah oui ! On sort fatigué d’une représenta­tion de Bojangles ! C’est un ascenseur émotionnel.

Quel genre de maman est-elle ?

C’est aussi ce qui est intéressan­t : ça dépend du point de vue. L’institutri­ce dirait que c’est une mère totalement irresponsa­ble et complèteme­nt inadaptée. Moi j’ai l’impression que c’est quelqu’un qui reste sur l’essentiel. Elle donne à son enfant tout ce qu’elle peut d’essentiel.

C’est une folle amoureuse aussi !

Elle est folle amoureuse et son mari l’a suivi dans sa folie. Il est le seul à avoir l’écoute de ça. On se dit qu’elle devait être très seule avant lui… Parce qu’il sait trouver les mots.

Il aime toutes les femmes en elle…

C’est ça, il joue ce jeu, qui n’en est pas un pour elle. Il fait un pas vers elle. Ils sont fous d’amour. C’est ce qui les maintient aussi longtemps d’ailleurs.

Il y a aussi ce refus de la triste réalité…

Oui, du quotidien. Mais ce n’est pas une posture. Parce qu’elle aimerait jouer à la maman parfaite. Un jour elle prépare un gigot, sauf qu’il est  heures, c’est pour le goûter. Elle n’a pas ces codes-là. Elle a besoin de trouver son rythme propre. Puisqu’elle n’arrive pas à se conformer au rythme des autres.

Jouissif d’être dans le surréalism­e total, non ?

En tant qu’acteur il faut toujours que l’on trouve une liberté au milieu d’une contrainte qui est celle de la représenta­tion, du groupe, de la mise en scène… On doit évoluer dans un cadre et en même temps trouver cet espacelà. Mais ici, j’ai la chance de n’avoir aucune contrainte. Il y a une vraie liberté d’interprète. C’est le genre de sujet dont on plaisante beaucoup : quand on est comédien on a pour objectif d’avoir cette liberté-là.

C’est en ce sens que Victoire Berger-Perrin vous a dirigés ?

C’était entendu entre nous. Et puis après il y a la gestion des accidents. Sur scène, il se passe toujours quelque chose qui n’est pas prévu. Et ce qui est génial avec ce rôle c’est qu’on peut se sortir de toutes les situations : on n’a pas à réfléchir à ce qui est cohérent. Évidemment, je ne vais pas commencer à réciter Phèdre… D’ailleurs je ne le connais pas assez bien [rires]. Mais voilà : on peut s’en sortir un peu par n’importe quelle porte. Là, nous avions eu un problème de musique. Eh bien, à la place j’ai hurlé une musique en dansant et ça n’a posé de souci à personne !

Il y a quand même de l’appréhensi­on avant de monter sur scène proposer une adaptation d’un livre qui a séduit tant de lecteurs, il y a une attente…

Oui ! Et même par rapport à sa propre attente : on se demande est-ce que la magie va opérer ? Parce qu’il y a profondéme­nt de la magie même autour de l’histoire du livre, de cet auteur qui est accepté par une petite maison d’édition après avoir été refusé par de nombreuses et qui voit son livre décoller. On a à coeur que cette magie se prolonge, oui. Notre travail c’est de faire le mieux possible. Mais après… mektoub !

En attendant Bojangles : c’est un ascenseur émotionnel ! ” Un jour, elle prépare un gigot pour le goûter... ”

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