Adélaïde Bon : «Un peu moins seule sur la banquise»
Adélaïde Bon, auteure du récit bouleversant « La petite fille sur la banquise », sera sur la scène du cinéma La Strada, aujourd’hui dimanche à 14 heures pour une lecture musicale en compagnie du trompettiste Thomas Boffelli. « J’ai travaillé à ce qu’on donne des
mots au viol, explique l’auteure qui raconte dans son livre l’agression dont elle a été victime à l’âge de 9 ans. Un monde à l’envers, un monde qui n’a pas de mots pour se partager, un monde dans lequel on est infiniment seul. » Elle confie avoir « énormément travaillé la langue de façon à pouvoir mettre à l’endroit ce monde-là. J’ai beaucoup écrit pour moi pour aller mieux et ce livre-là, je l’ai écrit surtout pour qu’il puisse devenir un outil de compréhension, qu’il puisse être utilisé par des psys, des victimes, des proches pour mieux se comprendre et commencer à parler vraiment. » Adélaïde Bon estime que les lignes commencent à bouger : « Il serait
bon que l’on passe des paroles aux actes, que des maisons de femmes accueillent les victimes dans chaque commune, que les magistrats et les médecins soient formés aux spécificités
de ces violences, que l’amnésie traumatique soit reconnue par la loi. » Et la comédienne, âgée de 37 ans, de relater « le mécanisme vraiment spécifique des violences sexuelles » ,notamment la sidération. «La dissociation fait que c’est comme si on était très loin de nous-mêmes. Elle fait qu’au moment du viol, tout ce que ressent l’agresseur, sa perversité, sa haine nous pénètrent au même titre que son sexe. Les symptômes sont des indices de ce qu’on nous a faits. Quand on est enfin accompagnée par quelqu’un de compétent, on peut grâce à eux, retrouver ce qui nous est
arrivé et être dans son présent et peut être même son futur. » À ses yeux, ce qui est important c’est « qu’on soit un peu moins seule
sur la banquise et qu’on se tienne la main pour en sortir. Plus on parlera des conséquences des violences, mieux on les comprendra et plus vite les victimes pourront retrouver le cours de leur vie. J’ai perdu les deux tiers de ma vie à chercher ce que j’avais et j’aimerais que ça aille plus vite pour les autres. »