Nice-Matin (Cannes)

Le jour où... La vague meurtrière a déferlé sur la Salis

16 octobre 1979 : un tsunami ravage le petit port tuant une femme dans le moulin à huile

- SERGE JAUSAS antibes@nicematin.fr

En alternance avec notre rubrique «Sous les pavés» le lundi, retrouvez « Le jour où... » retraçant un fait divers, un événement, une journée qui a marqué un tournant dans la cité des Remparts.

Il y a 39 ans, presque jour pour jour. Le mardi 16 octobre 1979, peu avant 14 heures, une vague meurtrière balaie la baie des Anges et plusieurs quartiers du littoral de Nice à Antibes. Ce mini tsunami, va faire onze morts. Le chantier d’extension de l’aéroport de Nice et du nouveau port de commerce est sévèrement touché, emportant la digue de l’aéroport et précipitan­t à la mer dix ouvriers. Egalement violemment touché, le littoral antibois, faisant un mort – Madeleine Talonne, 83 ans, originaire de Gattières qui se trouvait dans le moulin à huile de l’Ilette. Une victime dans la cité des Remparts et d’importants dégâts. Comme le port de la Salis qui a énormément souffert avec des millions de francs de détruit.

Une vision d’apocalypse

Selon les témoins, la mer s’est retirée assez loin vers le large, avant de revenir comme un cheval au galop sur le rivage sous la forme d’une énorme vague de plus de trois mètres de hauteur qui a tout emporté sur son passage. Y compris les voitures garées sur le bord de mer et les bateaux qui se trouvaient à la base de voile et dans le port de la Salis. «La mer s’est soudain retirée sur au moins 300 mètres, explique Odette, alors lingère au restaurant du Bacon. Le cuisinier qui se trouvait sur la terrasse m’a appelé : Odette, vient voir, il n’y a plus d’eau dans la mer. Les deux Grenilles étaient à sec. Soudain, une énorme vague chargée de détritus est arrivée au galop. Elle a soulevé tous les bateaux et voitures pour les propulser contre les immeubles. Nous avons eu la chance le restaurant est en hauteur.» Jacqueline Gilli se souvient : «Ce jour-là, mon père Manou Gilli et Bébert Minuti pêchaient dans la baie de la Garoupe. Soudain, ils ont vu l’eau se retirer. Ils ont alors pensé à un tremblemen­t de terre. Ils ont coupé les filets et ont mis plein gaz vers le large. C’est comme cela qu’ils ont pu sauver leur vie ne sachant pas ce qu’ils allaient retrouver en rentrant au port.»

Le quartier et le port de la Salis dévastés

Les flots déchaînés ont projeté violemment une dizaine de véhicules contre les maisons et immeubles déversant au passage boue, sable et galets. Les voitures étaient dressées contre les réverbères ou abandonnée­s par les flots au milieu des massifs de fleurs, les magasins se vidaient lentement par leurs vitrines défoncées. Marc Géria, alors ado de 16 ans était lui aussi sur place : « J’étais apprenti en électromén­ager. Nous étions en interventi­on au dernier étage du Maupassant en face la plage de la Salis. Mon patron m’a demandé d’aller chercher une caisse à outils dans la camionnett­e. Lorsque je suis remonté, je lui ai dit que la mer n’était plus là. Il m’a rétorqué travaille, tu n’es pas là pour faire le con. Il m’a même mis une calbote derrière la tête. Lorsqu’il est descendu, il a retrouvé sa camionnett­e au fond d’une impasse sur le toit.» Dans le petit port de la Salis les plaisancie­rs, souvent des retraités avaient les larmes aux yeux devant leurs bateaux coulés qu’il fallait renflouer. D’importants dégâts étaient aussi constatés dans les établissem­ents des boulevards James-Wyllie et Maréchal-Leclerc. A l’époque, le Dr Chadoutaud, président de la base de voile de la Salis avait constaté que soixante-dix dériveurs avaient été détruits ainsi que du matériel. L’hôtel Josse avait lui aussi subi d’importants dommages. Le préjudice total était estimé à environ dix millions de francs de dégâts. Ce phénomène inhabituel a entraîné un vaste élan de solidarité. Tout le personnel des services techniques a été réquisitio­nné, ainsi que les services de secours. De nombreux bénévoles sont venus prêter main-forte aux sinistrés.

De nombreuses questions

Mais aucun signe avant coureur comme un tremblemen­t de terre avait annoncé ce tsunami, quel en était donc alors l’origine ? «Soit l’effondreme­nt de la digue a précédé le tsunamie et ainsi provoqué la vague soit s’il s’agit de l’inverse ? », expliquait à l’époque Yves Goetzinger, conseiller technique. Rien ne permettait d’accréditer telle ou telle explicatio­n. Car il y a eu des précédents. Comme le raz de marée de 1924 qui était un phénomène météorolog­ique (voir encadré). Une commission d’enquête composée de nombreux technicien­s avait enregistré les données éléments physiques et les témoignage­s. Les conclusion­s de cette enquête devaient permettre de dégager ou d’engager la responsabi­lité de certains bureaux d’études. «On n’a jamais ignoré, que la poldérisat­ion du littoral à cet endroit constituai­t une entreprise délicate », concluait le conseiller technique. Cette catastroph­e n’aura pas d’incidence importante sur le développem­ent de la plateforme aéroportua­ire, mais fera abandonner le projet de constructi­on d’un nouveau port de commerce de Nice.

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(Photo archives Maurice Bernaudon) Les dégâts sont considérab­les.

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