Les artisans ambulanciers en opération «escargot»
Ils ont circulé hier matin, à Nice, toutes sirènes hurlantes pour attirer l’attention des patients. Les petites ambulances perdent le marché des transferts interhospitaliers au profit des grands groupes
Sirènes hurlantes, gyrophares bleus allumés, des dizaines d’ambulanciers azuréens, rassemblés devant la préfecture, sont parvenus à se faire voir et entendre hier matin… au moins des automobilistes. En ce qui concerne les pouvoirs publics, ils devront encore patienter. L’objet de leur colère est l’article 80 des transports sanitaires dans la loi de financement de la Sécurité sociale qui redistribue les cartes. Sur les ambulances qui défilent en cortège des affichettes annoncent : « Ambulanciers en colère, non à l’article 80, sauvons nos patients, nos entreprises, nos salariés. » La réforme, entrée en vigueur le 1er octobre, confie aux cliniques et aux hôpitaux la responsabilité du financement de l’ensemble des transports inter et intra-hospitaliers. L’objectif du gouvernement est d’inciter les établissements à mieux gérer la commande de transport et de favoriser une meilleure adéquation entre le mode de transport et l’état de santé du patient.
« On nous asphyxie »
Les artisans réclamaient une hausse des tarifs, il se retrouve avec une double peine : à l’augmentation du prix des carburants s’ajoutent des transports interhospitaliers repris à 90 % par les grandes entreprises d’ambulances. « Il nous reste les miettes», se désole Bouka, 44 ans, ambulancier à Menton : « Nous on est des passionnés, ajoute le manifestant. Un lien particulier se tisse avec nos patients. Le temps d’attente est limité. Cette nouvelle donne se fera au détriment des patients. » Le Niçois Carlos Fiuza, 56 ans, trente ans de métier, parle de « désastre »:« Les gros groupes qui ont remporté les marchés dans notre département peuvent travailler en déficit, pas nous. On nous asphyxie d’année en année. »
Un chiffre d’affaires divisé par deux
Frédéric Destaillats, 37 ans, gère à La Trinité une société d’ambulances avec deux véhicules et trois salariés. La fin des transferts interhospitaliers a eu des conséquences immédiates selon le gérant de l’entreprise: « J’ai perdu 50 % de mon chiffre d’affaires. Cette activité qu’on nous enlève au profit de grands groupes est vitale. Je viens de m’endetter à hauteur de 230 000 euros en rachetant les parts de mon associé. Pour moi, c’est une catastrophe. » Ancien pompier volontaire, Frédéric Destaillats a d’abord été ambulancier, il y a quinze ans, puis a créé son entreprise il y a huit ans. Comme les autres manifestants, il demande l’abrogation de l’article 80 qui a favorisé le dumping. En raison d’une baisse de tarif de 25 %, les petites structures ont été exclues du marché. Frédéric Destaillats est dépité : « Avec des tarifs à -12 % on perd déjà de l’argent. Alors imaginez avec des - 25 voire des - 35 % quand il s’agit de transport pour des cliniques privées. » Une rencontre avec un représentant de l’Agence régionale de santé et le directeur du CHU Pasteur devaient avoir lieu hier. La teneur des entretiens avec les ambulanciers indépendants n’a pas été divulguée.