«Le sujet des serial killers me fascine vraiment»
Manuel Pratt revient, à partir de demain au théâtre Le Tribunal, avec le quatrième volet d’un spectacle dans lequel il est un tueur en série qui raconte ses pulsions… sans état d’âme
Avec Mea Culpa, Manuel Pratt revient avec un quatrième volet de son seul en scène sur le thème du tueur en série. Après avoir raconté ses pulsions meurtrières, sa rencontre avec sa femme et la naissance de ses enfants, son nouveau penchant pour le cannibalisme, il débarque sur la scène du Tribunal avec, cette fois, une retraite de serial killer bien méritée. À travers son personnage qui reste totalement déshumanisé, le comédien parvient une nouvelle fois à attendrir le public et, presque, à rentrer l’impensable dans la tête des spectateurs. Le tout avec un cynisme toujours aussi drôle et délirant.
C’est comment d’être dans la peau d’un serial killer ?
C’est excessivement jouissif. C’est le quatrième volet, avec le même personnage. Et on peut voir celuilà sans avoir vu les autres d’ailleurs. Il a évolué. D’abord, dans le premier, il tue. Dans le deuxième, il rencontre sa femme et fait des gosses. Dans le troisième, il devient cannibale. Et dans la quatrième, il décide d’arrêter de tuer et il explique pourquoi. C’est hyper jouissif, c’est un spectacle dans lequel on peut absolument tout se permettre et guérir de toutes les terreurs possibles. C’est comme si on passait h avec Hannibal Lecter ou Dexter.
Sans cage pour nous protéger…
Oui… il tue mais en fin de compte, même s’il est taré et que c’est un serial killer comme Hannibal, la société est tellement folle et d’une telle violence qu’il n’en est que le reflet finalement. Il n’y a pas de politique comme dans d’autres spectacles… il ne tue que les femmes car il pense que la femme est supérieure à l’homme. Et quand une femme est stupide, ça l’énerve. Donc il ne peut pas s’empêcher de la supprimer.
Il souffre, en fait, d’un gros complexe d’Oedipe…
Je pense mais… je pense pareil que lui ! [Rires]. Je pense que la femme est tellement écrasée dans cette société que je peux pardonner une bêtise chez l’homme. Et c’est un peu normal car l’homme est finalement toujours un petit peu con-con. Quand une femme est bête, je me dis qu’elle donne vraiment le bâton pour se faire battre. Et ça m’énerve. Je n’irai pas tuer de femmes hein ! Quoique je pourrais en tuer certaines sans aucun problème… et des hommes aussi. [Rires].
Vous n’allez pas rassurer votre public…
Non… mais c’est jubilatoire car d’une certaine manière, ce qu’il fait, tout le monde l’a pensé. On a tous eu, à un moment ou un autre, une pulsion. Au volant ou n’importe où. J’ai revu le film Douze hommes en colère récemment. Il y a une phrase excellente ou un personnage dit “de toute façon, il a dit à son père je vais te tuer ”. Mais on ne peut pas accuser et condamner à mort un homme uniquement parce qu’il a dit “un jour je vais te tuer ”. On l’a tous dit, même à ses gosses ! Donc, au final, le public se retrouve énormément dans ce personnage.
Au départ, pourtant, le public ne s’identifie pas au pitch du spectacle…
C’est comme dans Le silence des agneaux. Au départ, on trouve Hannibal Lecter hyper flippant. Mais à la fin, honnêtement, on l’aime bien ce type. Il est classe, il est élégant, intelligent. Et puis il y a une fascination du mal. C’est ça aussi qui me plaît dans ce spectacle. Entre le diable et dieu, même si je ne crois pas en dieu, indéniablement le diable fascine beaucoup plus.
Pourquoi avoir choisi un tel personnage ?
Le sujet des serial killers me fascine vraiment. J’ai plusieurs fois rencontré Stéphane Bourgoin qui est LE spécialiste des tueurs en série au monde. J’avais besoin de son avis. Il est venu voir le spectacle et et il a adoré. Je trouve que c’est fascinant de voir des gens qui n’ont pas de compassion. Et c’est très intéressant d’étudier le comportement de ces gens-là.
Parce qu’il y a une vraie réflexion, aussi, derrière le mal ?
Complètement. Il y a un mode opératoire qui est toujours le même chez chaque tueur en série. D’où l’importance du profiling d’ailleurs. C’est grâce à ça qu’on a compris comment on pouvait arrêter ces gens-là. Les mecs comme Ted Bundy ou Kemper avaient des manières très particulières de tuer, avec un rituel très méthodique. C’est fascinant. Je joue un spectacle d’humour qui fonctionne très bien, un duo sur Landru. Et c’est un personnage aussi très fascinant. Ce sont souvent des gens assez intelligents, assez drôles… et c’est intéressant parce que c’est une autre facette de la société. Je parle vraiment des serial killers, même s’il y en a des plus drôles que d’autres. Il y a aussi des types comme Fourniret qui ne me font pas du tout rire. Les ressorts ne sont pas les mêmes. Contrairement à des tueurs en série comme Ted Bundy, qui pour moi reste le plus grand de tous les temps.
Vous avez fait beaucoup de recherches…
Énormément. Je fais le même travail que vous. C’est un travail journalistique. J’ai beaucoup lu, j’ai assisté à des conférences avec des criminologues… et puis comme le premier volet a très bien marché, des psys et des criminologues sont venus voir le spectacle. Et on en a beaucoup parlé. Ça m’a incité à en faire un deuxième, un troisième et puis un quatrième. Mais je pense que je vais arrêter là parce que je pense avoir tout dit. Je voulais en faire un cinquième, au départ, mais je suis finalement parti dans un travail sur Landru qui a bien abouti. Il y a un moment, il faut lâcher un peu. Landru, c’est intéressant car c’est une autre époque. C’est la fin de la Première guerre mondiale et il y a tout un contexte politique derrière. Comme pour Ted Bundy d’ailleurs, en pleine époque de la guerre du Vietnam.
Vous allez susciter des vocations dans le public…
C’est très drôle parce qu’à la fin du deuxième et du troisième volet, voire même de celui-là, on peut se poser des questions et se dire qu’après tout, le mec n’a pas tort. Qu’est-ce qui empêche, en fin de compte, que l’on ne passe pas à l’acte ? C’est la punition, la prison. C’est la répression. Vous enlevez tout ça, c’est le sujet du film La purge (American nightmare en VO). Pendant une période de douze heures, vous avez le droit de faire ce que vous voulez. Ce serait terrifiant mais on aurait de sacrés surprises. On aurait peut-être même de belles réactions. Mais bon, être serial killer c’est autre chose que de tuer quelqu’un que l’on n’aime pas. Il y a une méthode, souvent un traumatisme lié généralement à la mère, pendant l’enfance… il existe un test de profiling, sur Internet, fait par des Américains. Il y a vingt-huit points qui montrent, si on répond oui, que l’on présente le profil parfait du serial killer. Quand j’ai vu que j’en avais vingt-sept sur les vingt-huit j’ai dit oh put… [Rires].
Vous ne le proposez pas au public en sortant de la salle, pour être sûr que tout va bien ?
Non… ni avant, ni après. [Rires].
‘‘ Entre le diable et dieu, le diable fascine plus” ‘‘ Ce sont souvent des gens intelligents”