Un étrange tourbillon près de la côte italienne
D’après un océanographe, ce phénomène est très courant à quelques encablures de nos plages. Mais on ne peut l’observer que dans des circonstances particulières... Décryptage
Cette photo date du début du mois. Elle a été prise par Virginie, une lectrice de NiceMatin, depuis un avion en passe de se poser à l’aéroport de Nice, en provenance directe de Strasbourg. Elle montre, à quelques dizaines de mètres du rivage, un tourbillon de plusieurs mètres de diamètre. On le repère particulièrement bien, car l’eau y est teintée d’un bleu plus clair qu’alentour. La photo, selon nos recherches, est prise au large d’Ospedaletti, charmant village italien situé près de San Remo à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec la France.
Eau boueuse et vent d’Est
Le cliché a retenu l’attention du Pr Paul Nival, du Laboratoire océanographique de Villefranche-surMer, à qui nous l’avons soumis : « Il est tout à fait intéressant. Je pense d’ailleurs l’avoir observé en Italie, depuis le bord de mer. Le phénomène est saisissant par le contraste des couleurs. » Et le biologiste océanographe d’expliquer l’origine de ce tourbillon : «Lacouleur de l’eau, plus claire à cet endroit, laisse penser qu’il s’agit d’un ruisseau boueux qui vient se jeter dans la baie. C’est le même phénomène que l’on peut observer avec le Paillon [à Nice] lorsqu’il atteint la mer : on distingue clairement son eau, plus trouble et donc moins foncée que celle de la Méditerranée.» On n’observe cependant pas (en tout cas, pas à notre connaissance ni à celle du scientifique), de phénomène identique près de l’embouchure du Paillon. « Dans le cas présent, à Ospedaletti, l’eau “s’enroule” derrière le cap par la conjonction d’un vent d’Est. Quand un courant rencontre un cap, il ne le longe pas mais a tendance à vouloir repartir vers le large, créant ce phénomène d’enroulement. » Selon le Pr Nival, « on devrait pouvoir observer ces tourbillons derrière tous les caps de la Côte d’Azur » dès lors que le vent est bien orienté. « Par vent d’est, on sait qu’un tourbillon identique se forme au cap Ferrat, sous le sémaphore. Par vent d’est toujours, quand l’eau du Var s’écoule en direction du cap d’Antibes, un mouvement similaire doit certainement se former. » Le cap de Nice, en revanche, fait figure d’exception par sa topologie : « On pourrait imaginer qu’il se produit exactement la même chose lorsqu’y souffle le mistral [vent d’ouest]. Mais la profondeur de la rade fait remonter l’eau depuis le fond. Ce courant maintient les eaux plus troubles du Paillon hors de la rade. »
Pas de danger
Pour pouvoir observer un tourbillon comme celui photographié par notre lectrice, il faut de toute façon une eau teintée. Sans cela, sa taille et sa faible puissance le rendent difficilement observable. « Le courant dans un tourbillon tel que celui-ci doit être de 4 à 10 mètres par seconde. C’est vraiment très peu, rassure le professeur émérite de l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI). Ça ne présente absolument aucun danger. »
Pour les baigneurs qui s’aventureraient si loin du bord comme pour les embarcations les plus légères.