Des tortues dangereuses nées dans le lac de Saint-Cassien
De plus en plus de personnes se débarrassent de leurs tortues dans la nature, y compris certaines susceptibles de représenter un danger pour les autres espèces ou pour l’homme
Le Village des tortues de Carnoules dans le Var a recueilli deux bébés tortues molles (Pelodiscus sinensis) trouvés dans le lac de Saint-Cassien à deux jours d’intervalle par des habitants du secteur. « Un adulte nous avait déjà été signalé sur les berges du lac, précise Stéphane Gagno, adjoint de direction. La présence de ces nouveau-nés indique qu’il y a donc eu un cas de reproduction in natura, ce qui est très alarmant. Cette espèce, pouvant pondre plusieurs dizaines d’oeufs, est dangereuse. Elle possède un long cou et un bec tranchant. » Il ajoute : « Un autre cas remarquable est la découverte d’une tortue d’eau américaine qui se baladait dans les rues de Nice: une Malaclemys terrapin. Adulte, elles peuvent atteindre 20 cm. Personnellement, je n’en avais jamais vu en vingt ans de carrière».
Ne pas acheter ces animaux sauvages
Recevoir ce type d’espèces est contraignant pour une structure qui fonctionne sans subvention, avec comme seule source de financement le billet d’entrée des visiteurs. Il faut en effet modifier constamment les installations pour offrir un hébergement spécifiquement adapté à chacune. Pour Malaclemys terrapin, l’équipe a créé un aquarium d’eau salée, car elle vit naturellement dans des eaux saumâtres. En outre, son régime alimentaire particulier, à base de coquillages, ne simplifie pas la tâche des équipes. Le Village des tortues, site emblématique de la région, a fait évoluer sa politique tarifaire et son
(1) responsable en appelle au « soutien des habitants de la région » pour continuer « à protéger ces délaissées de notre société de consommation ». En effet cet été, les équipes du Village des tortues ont vu le nombre de propositions d’abandons exploser. «Entre juin et septembre, cela dépasse le millier de tortues. C’est catastrophique, car nous ne pouvons pas répondre à toutes ces demandes, nos infrastructures ne sont pas adaptées», témoigne le spécialiste, qui a déjà tiré la sonnette d’alarme (lire nos éditions du 20 août). Les hybrides Hermann (entre Testudo hermanni et Testudo boettgeri) représentent 70 % des animaux proposés, les autres sont des espèces exotiques de tous pays. Le parc n’a pu en accueillir qu’une petite partie, environ 15 %. « La sélection s’est faite en fonction de critères d’urgence et des capacités du parc. Nous avons construit un nouvel enclos en début de saison, on y a mis déjà quatre-vingts tortues. »
Informer et sensibiliser le public
Ne pas acheter ces animaux sauvages. C’est le message délivré par le personnel de la structure qui s’emploie à sensibiliser le public. Outre la présentation de plus de 50 espèces différentes, les informations passent via des panneaux, des animations et des visites guidées. « L’acquisition d’un chélonien reste un engagement sur le très long terme, 70 ans en moyenne d’espérance de vie, avec des coûts associés qu’il ne faut pas négliger selon les espèces», rappelle l’assistant de direction à l’attention des éventuels acquéreurs. Il se réjouit au passage d’une évolution de la réglementation, qui va obliger les vendeurs à mieux informer le public (lire ci-dessous) .À ceux qui ont déjà acheté une tortue et n’en veulent plus, alors que souvent ils peuvent les conserver, il recommande: « Surtout, ne vous en débarrassez pas dans la nature. Tournez-vous vers un parc animalier, ou un proche qui peut l’adopter ». Message transmis.