-Juillet: la libération d’un proche du tueur inquiète les familles de victimes
Comment interpréter la remise en liberté de Hamdi Zagar, complice présumé de l’auteur de l’attentat de Nice ? Depuis la révélation de sa libération, avant-hier, par nos confrères de LCI (NiceMatin d’hier), la question hante les familles de victimes en quête de vérité. Elle mérite de resituer le rôle de Hamdi Zagar dans cette affaire hautement sensible.
Deux ans de prison
Hamdi Zagar, 38 ans, n’a pas exactement obtenu sa remise en liberté. Plus précisément, sa détention provisoire n’a pas été prolongée. Interpellé le 25 juillet 2016, incarcéré le 31 juillet suivant, il a recouvré la liberté le 1er août dernier, après deux années de prison. Les magistrats lui ont imposé un contrôle judiciaire strict, prévoyant l’interdiction de quitter le territoire et d’entrer en contact avec les autres suspects. Zagar reste mis en examen dans cette affaire terroriste. À l’issue de l’instruction, il pourrait être renvoyé devant une cour d’assises spéciale.
Le deuxième libéré
Hamdi Zagar est le deuxième suspect libéré, dans l’enquête sur l’attentat qui a fait 86 morts et plus de 450 blessés, le 14 juillet 2016, sur la promenade des Anglais. Enkeledja Zace, Albanaise mise en cause dans la fourniture d’un pistolet au tueur, a été libérée fin 2017. Liberté perdue depuis. Le 15 juin dernier, le tribunal correctionnel de Nice lui a infligé un an ferme, pour usage et trafic de stupéfiants. Un compatriote, Aleksander H., s’est donné la mort en juin dernier. Sur les neuf personnes interpellées, six restent donc détenues dans l’enquête antiterroriste. Mais la libération de Hamdi Zagar suscite un émoi particulier chez les familles de victimes. Et pour cause : lui était un proche de Mohamed LahouaiejBouhlel.
Des SMS intrigants
Hamdi Zagar, père de famille, est le beau-frère du tueur au camion (son frère a épousé la soeur de Bouhlel). « J’étais proche de lui parce qu’il ne travaille pas, et moi non plus », a-t-il confié au juge d’instruction lors de sa première comparution. Suffisant pour expliquer ses 80 appels reçus et 47 appels émis vers le portable de Bouhlel, du 15 juin au 14 juillet 2016 ? Peut-être pas. Si Hamdi Zagar est mouillé dans l’affaire, c’est notamment par cette photo prise avec son propre téléphone devant le camion, à l’avant-veille de la tuerie de masse. Cliché « pris par surprise » par Bouhlel afin de le compromettre, selon lui. Plus intrigant : ces deux SMS envoyés au soir du 6 juillet à Mohamed Ghraieb, alias « Walid », autre protagoniste présumé. Le premier : « 14.7.7.16 », semble évoquer la date fatidique. Le second, «15.8» , une potentielle deuxième attaque. Hamdi Zagar assure que ces textos émanent de Bouhlel. Ce dernier aurait emprunté son téléphone pour, soi-disant, écrire à une amie. Le destinataire, il est vrai, ne figurait pas parmi les contacts de Zagar. Le SMS reçu en réponse sera sibyllin : «?»
Enquête incertaine
Hamdi Zagar nie donc toute connaissance du projet criminel. Me Gérard Chemla, avocat de nombreuses familles de victimes, doute pourtant de sa sincérité. « Il a beaucoup menti et varié dans ses déclarations. Il a effacé des messages de son téléphone. Il y a une proximité avec Lahouaiej-Bouhlel. Rien d’étonnant à ce qu’il ait été mis en examen pour association de malfaiteurs… » Le pénaliste redoute que cette libération augure mal de l’évolution du dossier : «Les familles sont en attente de vérité. Or, elles ont le sentiment que l’enquête n’avance pas. »
Familles indignées
Ces familles, justement, vivent mal cette décision judiciaire. Me Samia Maktouf, autre portevoix des parties civiles, fait part « de leur indignation, leur choc et leur colère ». L’avocate s’inquiète du respect du contrôle judiciaire, et d’une possible fuite de Hamdi Zagar à l’étranger : « Il faut que l’ensemble des protagonistes soient présents au procès et répondent de leurs actes ! » En outre, Me Maktouf pointe un risque sécuritaire. Elle cite deux précédents impliquant des terroristes sous contrôle judiciaire (Samy Amimour au Bataclan, Adel Kermiche à Saint-Étiennedu-Rouvray). « Je regrette qu’on n’en tire pas les leçons ! On voit là les limites du contrôle judiciaire, puisque les services de renseignement ne peuvent pas suivre ces personnes. Voilà pourquoi une réforme s’impose. »
Explications en vue
Les explications d’Emmanuelle Robinson ne seront pas de trop pour répondre aux inquiétudes des familles. La juge d’instruction, qui a pris le relais de Claude Choquet au printemps, rencontrera pour la première fois les parties civiles à Paris le 20 novembre et à Nice le 28.