Èze : les accusés du meurtre maquillé en suicide nient
Jugé pour l’assassinat en 2011 d’un homme découvert pendu dans son salon, un couple avait avoué trois ans plus tard. Au premier jour de leur procès, ils contestent leur participation
Georges Pierru, 52 ans, se présente comme artistepeintre, admiratif de Cocteau et de Picasso. Mais c’est comme metteur en scène qu’il comparaît depuis hier : la justice lui reproche d’avoir maquillé un meurtre crapuleux en suicide. Il est accusé d’avoir étranglé Drost Notthof, 48 ans, gérant de société, avec la complicité de Grit Bergmann, 48 ans, sa femme. L’assassinat aurait été commis le 25 ou le 26 septembre 2011 à Èze. La victime avait été retrouvée pendue dans le salon d’une villa de location du quartier de La Pella. C’est le propriétaire qui a donné l’alerte. Arrêtés en 2015, Georges Pierru et Grit Bergmann avaient alors reconnu une part de responsabilité en garde à vue puis devant le juge d’instruction. Grâce à un faux testament, ils pensaient pouvoir hériter de Drost Notthof, ancien compagnon de Grit. Sa société de revente de billets d’événements sportifs était florissante. Le couple surendetté tirait, lui, le diable par la queue.
Étranglé à la barre de fer
Sous le prétexte de lui rembourser 3 000 euros, Grit avait pris rendezvous avec Drost, selon l’acte d’accusation lu hier par le président Didier Guissart. Le couple aurait acheté une corde, une barre de fer et des gants en caoutchouc avant de se présenter chez la victime. Signe, selon l’accusation, de préméditation. Georges Pierru, 1,85 m, plus de 110 kg, aurait plaqué au sol Drost Notthof avant de l’étrangler avec la barre de fer. Il l’aurait ensuite pendu grâce à un crochet sur une poutre du salon. Grit aurait essuyé les traces et fouillé la chambre à la recherche d’argent. Tous deux auraient emporté les tasses à café, pour ne laisser aucune empreinte, et rédigé en allemand une lettre où la victime léguait ses biens à Grit. Mais l’acte d’accusation est-il la vérité ? La première question du président Guissart aux accusés est directe : « Madame Bergmann, levez-vous. » Visage rubicond encadré de longs cheveux blonds, l’accusée paraît envahie par l’émotion. Ses nombreux mouchoirs en papier qu’elle tient dans sa main lui font un éventail. « Pouvez-vous indiquer quelle est votre position par rapport aux faits qui vous sont reprochés », demande le président? L’accusée répond via l’interprète : « Je n’ai pas planifié ni exécuté la mort de Drost. Il m’a montré beaucoup de très belles choses dans ma vie même s’il a utilisé mon nom pour des choses avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Mais ce n’était pas une raison pour le tuer. » Le président semble mal comprendre. Elle précise : « Je conteste l’assassinat et aussi l’escroquerie. »
Couple fusionnel
Silhouette massive, polo de marque, lunettes épaisses, Georges Pierru aimerait « apporter deux ou trois précisions… » Le magistrat le coupe : « M. Pierru, même question ! » Georges répond : «Je conteste cette accusation M. le président. » Le couple, autrefois fusionnel, aujourd’hui en instance de divorce, est sur la même longueur d’onde. Du moins au premier jour de son procès. Il nie toute responsabilité. On sait désormais pourquoi la justice a prévu au moins six jours de débat… Pierru s’arc-boute sur des versions qualifiées par Danny Borgogno, l’expert psychologue, de « rocambolesques, sur le mode infantile ». L’accusé dit avoir agi sur la pression d’un mystérieux malfaiteur venu de l’Est. Pour ne rien arranger, il est soupçonné d’avoir fait pression sur Grit afin qu’elle calque ses déclarations sur les siennes. Un homme ordinaire, père aimant de trois enfants, lui-même fils unique choyé par un père menuisier et une mère femme de ménage, aurait-il pu basculer dans un crime sordide? Grit, cette épouse si effacée qui vomissait dans le bureau du juge lors de ses aveux, a-t-elle tout fomenté ? La Cour se donne six jours pour percer ces énigmes.