Christian Estrosi: «J’invite Eric Ciotti à l’apaisement»
Le maire de Nice a plus que jamais des projets à long terme pour sa ville. Il a écrit au député pour lui proposer de renouer le dialogue et surmonter leurs divergences, dans l’intérêt général
La guerre Estrosi-Ciotti, qui a pris depuis des mois un tour ravageur, peut-elle encore s’éteindre ? C’est en tout cas le souhait de Christian Estrosi qui, lors de l’entretien qu’il nous a accordé hier, a annoncé avoir écrit au député niçois pour l’inviter à l’apaisement, au nom de « l’intérêt général ». Quoi qu’il advienne, le maire de Nice ne jure que par sa ville, pour laquelle il a déjà fixé le prochain cap à tenir...
Que vous inspire la grogne actuelle contre le pouvoir ?
L’été s’est révélé décevant après des débuts prometteurs. Un grand nombre d’erreurs ont été commises. Mais il faut juger sur la durée. Jusqu’aux mesures qui ont affecté le pouvoir d’achat, le pouvoir commettait surtout des erreurs de forme. Il imposait en revanche une volonté de réforme dans laquelle l’opposition de droite s’est reconnue. Il était juste un peu faible sur le régalien, trop timoré par exemple sur des mesures que je réclame comme la reconnaissance faciale ou la possibilité pour les policiers municipaux de vérifier les identités et d’avoir accès aux fichiers.
La transition écologique est-elle trop punitive ?
Le gouvernement doit continuer de réformer, mais sans attenter au pouvoir d’achat. On ne peut pas additionner la hausse de la CSG et celle des taxes sur le carburant. La hausse de la taxe de l’Etat sur le carburant ne doit plus être proportionnelle à la hausse du baril. Si celui-ci augmente trop, il faut maintenir un forfait à bas niveau. Les hausses actuelles ne sont pas le meilleur moyen d’accompagner la transition énergétique. On ne peut pas être que dans la sanction. Il faut une offre de substitution à la voiture : des pistes cyclables, des transports en commun assortis de parkings-relais. En donnant le sentiment de simplement punir, on n’avancera pas. L’Etat doit par exemple aider davantage les collectivités. Les bornes électriques de recharge rapide que nous installons sur le territoire de la Métropole NCA nous reviennent à euros le lot de cinq.
L’Etat est déjà endetté jusqu’au cou. Comment pourrait-il à la fois réduire les taxes et aider davantage les collectivités ?
En s’imposant à lui-même les restrictions qu’il impose aux collectivités. Chaque année, millions sont versés par la ville de Nice et la Métropole à l’Etat, au titre de la péréquation et de la solidarité avec les autres territoires. Avec d’autres maires de France, je propose que la solidarité urbaine se fasse directement vers la ruralité qui nous environne.
Où en est-on de la volonté de fusion du Département avec la Métropole NCA ?
La loi de a créé métropoles, dont quelques-unes ont été identifiées d’intérêt européen. Nice figure parmi elles. Nous ne sommes demandeurs de rien. Je ne travaille pas pour moi ni pour aujourd’hui, mais pour que notre territoire gagne des parts de marché dans dix ans. Mais cela me poserait problème, alors que nous avons été la re Métropole de France, que Marseille ou Toulouse soient classées d’intérêt européen et pas nous, pour être mieux armées face à la Bavière, la Lombardie ou la Catalogne. La Métropole est un gage de solidarité et de dynamisme pour tout le département. Mais que ce soit bien clair, je veux que cette réforme, si elle doit se concrétiser, respecte le Département. Il n’a pas vocation à disparaître : il demeurerait là où il n’y a pas la Métropole [soit sur la moitié de son emprise actuelle environ, ndlr]. J’ai d’ailleurs écrit ce mercredi à Emmanuel Macron pour lui demander d’instaurer un dialogue avec les présidents des conseils départementaux. Et que toute réforme concernant la Métropole NCA se fasse sur son périmètre actuel, qui est équilibré, afin de garantir par ailleurs la pérennité du Département. Si cette réforme se fait, ce devra être en renforçant le volet communal, pilier de notre République, pas en transférant toujours plus à la Métropole. Avez-vous rencontré Charles-Ange Ginésy à ce sujet ? Nous devons nous voir ces jours-ci pour mettre à plat les contentieux. Nous pouvons arriver, je crois, à des positions convergentes.
Les maires qui redoutent d’être dépossédés de tout pouvoir réel surjouent-ils donc leur colère ?
Les maires de la Métropole sont les premiers à dire que la solidarité de cette dernière est exceptionnelle. Le Département a été le lieu de la solidarité territoriale durant le siècle écoulé. Mais aujourd’hui, pour réaliser une station d’épuration dans un village de habitants, ce sont les métropoles, là où il y en a, qui sont l’outil le plus adapté. La vraie solidarité, c’est aussi de garantir des emplois pour les gamins des villages.
Ces dernières décennies, la réforme territoriale n’a-t-elle pas été menée à hue et à dia ?
La réforme des régions menée par François Hollande s’est avérée désastreuse, avec des fusions contraintes qui n’ont pas donné de moyens supplémentaires aux régions. La bonne réforme territoriale était celle envisagée par Nicolas Sarkozy, de fusion des conseillers départementaux et régionaux. Cela aurait été une transition en douceur sur la base de deux couples, communes et intercommunalités d’un côté, départements et régions de l’autre. Il faudra y venir un jour.
Nicolas Sarkozy sera justement à Nice le novembre. D’aucuns y voient le premier pas d’un retour…
Il restera pour moi, qui suis gaulliste, le seul leader politique de ma génération dans lequel je me suis vraiment reconnu. Ceci étant, il vient à Nice pour inaugurer deux rues, à la mémoire de Philippe Séguin et Charles Pasqua. Pour ce qui est d’un retour, il ne le souhaite pas. Il a pris du recul, de la hauteur. Luimême a été très clair sur le sujet.
Chez Les Républicains, Laurent Wauquiez est-il toujours l’homme de la situation ?
Force est de constater que LR n’a pas retrouvé la popularité qui fut la sienne. Vouloir s’enfermer sur une seule ligne n’est pas la bonne méthode pour reconquérir un électorat. On assiste à des querelles de places plus qu’à des débats d’idées. Wauquiez n’est pas seul responsable. Ceux dont il s’est entouré, un petit cercle replié sur lui-même, le sont aussi. Pour ma part, j’ai choisi de me consacrer à ma ville. Je suis un architecte du rassemblement et pour l’élargir, il faut plusieurs lignes politiques, comme ce fut de tout temps le cas dans notre famille. Je ne fais plus de polItique politicienne, je fais de l’aménagement du territoire.
Allez-vous quand même prendre part aux débats de la fédération LR , présidée par Eric Ciotti ?
Je participerai aux débats. Mais les Niçois attendent de leur maire de faire avancer leur ville, pas d’être impliqué dans un parti. Les élections internes ont fait l’objet de recours concernant les délégués de circonscription. Ils étaient prévisibles : le vote électronique laisse planer des suspicions sur des clics à répétition. J’avais suggéré un vote papier, sans procurations. Mais cela ne m’intéresse plus, je ne m’en mêlerai plus. J’alerte juste sur le fait qu’on ne regagnera jamais une élection nationale sur une ligne étriquée.
Vos relations avec Eric Ciotti ?
Nous avons énormément d’amis communs qui regrettent ce qu’il se passe. Je souhaite apaiser les choses. Dire que nos divergences n’existent pas serait mentir, mais elles ne sont pas insurmontables. Ce sont des divergences nationales, à la marge. Je reste proche de Nicolas Sarkozy, Eric Ciotti s’inscrit plus désormais dans la ligne de Laurent Wauquiez. Cela ne veut pas dire pour autant que Sarkozy soit passé à gauche et Wauquiez au Rassemblement national, Ciotti avec. Tout le monde connaît nos parcours. Je viens donc d’adresser, ce mercredi, un courrier à Eric Ciotti pour l’inviter à l’apaisement. Celui-ci est nécessaire pour éviter de faire prendre des risques à la ville de Nice et au département. Si nous sommes des élus responsables, notre seule boussole doit être l’intérêt général, nous devons laisser les petites querelles et les petites amertumes de côté. Eric Ciotti est-il prêt, sans conditions et sans excès, à ce dialogue ? Moi j’y suis prêt! Une machine s’est emballée. La question est de savoir si nous sommes capables ou pas de faire avancer l’intérêt général. Pour ma part, j’ai toujours essayé de rassembler. Et j’ai fait le choix de Nice, en disant clairement que je ne serai plus jamais ministre.
Vos perspectives pour Nice ?
Pendant dix ans, nous avons beaucoup créé, construit, % de nos engagements ont été tenus, nous avons redonné à la ville sa place en France, en Europe et dans le monde. A présent, je souhaite apporter une cohésion à notre territoire. Je vais fixer à ma majorité une nouvelle étape : accentuer les efforts en matière de bienveillance. Elle se déclinera en direction de nos seniors, avec toujours plus d’activités et un plan grand âge - pour prendre en compte l’isolement. La bienveillance se traduira aussi en termes de pouvoir d’achat, à travers des mesures de tarifs réduits dans les cantines, d’accès gratuit à la culture, de tarifs de transports en commun maintenus au plus bas, de franchises pour la première heure de parking… La bienveillance ira également vers les plus fragiles, avec la création d’une école de la e chance, des opérations pour l’emploi, etc.
Tout ça sans hausse des impôts ? Comment allez-vous faire ?
Nous redistribuerons des crédits à budget constant. Nous avons des résultats et des montées de recettes plus rapides que prévu. La politique économique que j’ai mise en place porte ses fruits. On le voit dans l’immobilier où les transactions et donc les droits de mutation sont à la hausse. Via la Région, nous bénéficions aussi de plus de crédits européens, M€ rien qu’en . Nous tirons parti de notre foncier, avec le terrain cédé à Ikea notamment. Le second volet de cette redistribution ira aux contribuables, à la faveur de la baisse de % en puis % encore en de la taxe sur le foncier bâti.