Nice-Matin (Cannes)

Blue Lady, la dernière colonie britanniqu­e

L’établissem­ent qui a fêté ses trois décennies il y a quelques semaines n’a pas pris une ride. A sa tête : une saga familiale qui fleure bon la culture britanniqu­e au coeur de la cité des Remparts

- JÉRÉMY TOMATIS jtomatis@nicematin.fr

Bloody weather, disent les Anglais, pour maudire la météo que leur offre dame Nature la plupart du temps. C’est peut-être pour cela, en partie, que beaucoup fuient leur territoire insulaire pour rejoindre des régions baignées de soleil comme la Côte d’Azur. Émile et Maud Peudecoeur n’ont jamais vécu outremanch­e. Mais leur venue dans le sud de la France, depuis Le Havre, trouve son origine dans la même lassitude d’un ciel bien trop souvent maussade. «On en avait marre de la pluie, souffle Maud. Mes parents habitaient à Vence donc nous descendion­s de temps en temps. À chaque fois, c’était difficile de quitter le soleil, donc on a décidé de venir s’installer à Antibes. »

Billard, bière blonde et flegme britanniqu­e

C’est en 1988 que le couple achète le Blue Lady, notamment pour travailler avec leur fils Gilles qui prendra la suite de l’affaire. C’est écrit et les écrits restent, paraît-il. Rapidement, le fiston est dans son élément. La clientèle a déjà des accents de Grande-Bretagne. Sara, originaire de la Perfide Albion, y retrouve l’accent de son enfance – elle a quitté son île natale pour l’Hexagone à 9 ans. Atomes crochus à l’Anglaise. La jeune fille passe de l’autre côté du bar, épouse Gilles et va entretenir la flamme d’un lieu à l’identité solidement ancrée dans la cité. «Au départ, c’était plutôt un bar qu’un pub, se rappelle Émile. Mais il y avait déjà beaucoup d’Anglais, avec le port qui est à proximité. Dès le départ, les marins sont venus. » La première génération s’efface, déjà, sans pour autant quitter le navire. Mais comme prévu, Gilles et Sara mènent désormais la barque. Et rénovent le lieu pour lui donner cette allure rock’n’roll si particuliè­re et si chère aux Anglo Saxons. Il y règne désormais une odeur de table de pool ,ungoûtde pale ale et l’image du flegme britanniqu­e par définition. « Ce sont mes racines donc ça a évidemment influencé ma vision des choses, poursuit Sara. Et puis le quartier était déjà à forte consonance britanniqu­e. »

La troisième génération prête à prendre le relais

Dans les rues étroites de la vieille ville, on surnomme le pub « the office ». « Beaucoup d’Anglais viennent depuis le début y déposer des demandes de jobs ou des offres d’emplois. Et beaucoup « d’interviews » se déroulent ici », assure la patronne. Un caractère familial, et une ambiance de copains venus du monde entier se retrouver autour d’une pinte, dépeint également l’établissem­ent. Sorte de grand repère des « crews », ces équipages entiers qui chouchoute­nt les yachts qui mouillent le port Vauban, mais aussi des Français qui se plaisent dans cet environnem­ent dépaysant qui trempe dans la culture du pays de la rose Tudor. Celle-là même qui flanque le maillot de l’équipe nationale anglaise de rugby. Sport national très présent dans le pub antibois, justement. Depuis quelques années et notamment depuis que la troisième génération incarnée par Harry et Louis a commencé à reprendre les rênes, les Anglais ne sont plus les seuls à se presser au bar du Blue Lady pub. Sud-Africains, Néozélanda­is, Australien­s… c’est toute une communauté anglophone qui s’est installée, sans partage, dans ce quartier d’Antibes qui fleure bon le Commonweal­th. « Aujourd’hui, beaucoup de jeunes travaillen­t sur les bateaux, lance Louis. Mais ils viennent de partout dans le monde. Ce sont souvent des saisonnier­s, que l’on voit d’une année sur l’autre. Et il y a évidemment des nouvelles têtes aussi. » Le pub, qui a soufflé ses 30 bougies, conserve une attractivi­té inégalée et inégalable. Lors du dernier mariage princier par exemple, cet été, l’établissem­ent était plein à craquer. « Les gens viennent pour retrouver cette ambiance très anglaise. Des gens pleuraient même car en Angleterre, c’est une véritable tradition ! n’en revient toujours pas Sara. Lorsque nous avons fêté les 30 ans, il y a quelques semaines, des habitués de la première heure ont fait le déplacemen­t. C’est touchant. » Eux ont vu évoluer le Blue Lady pub… et défiler les Peudecoeur de génération en génération.

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 ?? Photo Eric Ottino) ?? Au premier plan, Harry, Maud, Émile et Louis Peudecoeur. Derrière, les patrons du Lady Blue, Gilles et Sara Peudecoeur.
Photo Eric Ottino) Au premier plan, Harry, Maud, Émile et Louis Peudecoeur. Derrière, les patrons du Lady Blue, Gilles et Sara Peudecoeur.

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