Nice-Matin (Cannes)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Mardi

Donald Trump est objectivem­ent bien parti pour être réélu dans deux ans. Les démocrates ont enregistré une victoire à la Pyrrhus en obtenant la majorité à la chambre des Représenta­nts. Soit ils jouent l’apaisement et collaboren­t avec la Maison Blanche, Trump passera alors pour le « good guy » pas si mauvais qu’il en a l’air, ou ils jouent le blocage et Trump leur imputera ses échecs. Pile, ils ne gagnent pas, face, ils perdent. La vie est vraiment mal faite…

Mercredi

Emmanuel Macron continue une semaine d’itinérance mémorielle dédiée à la Grande Guerre, couplée avec des rencontres destinées à renouer le lien avec les Français. Cet objectif sera-t-il atteint ? On peut en douter tant la grogne apparaît relever bien souvent d’un ressenti beaucoup plus que de faits objectifs. La pédagogie est alors totalement inopérante. Le prix du carburant en est sans doute le meilleur exemple. Que, dans le budget d’une famille installée en zone rurale, le plein d’essence pèse lourd, c’est indubitabl­e mais ce n’est pas franchemen­t nouveau. Quand vous expliquez que par rapport au salaire minimum, vous achetez , litres d’essence aujourd’hui contre  litre en , vous vous faites insulter sur les réseaux sociaux. Le procès récurrent d’un prétendu abandon par les politiques de la France des campagnes ne tient pas la route –sans jeu de mot – une minute. On peut même soutenir que la sur représenta­tion du monde rural dans les assemblées locales et au Parlement a conduit à une véritable gabegie. Mais surtout, ces jérémiades continuell­es sur cette France des villages font l’impasse sur une réalité que le débat a complèteme­nt occulté. Le principal poste d’un budget familial est le logement, en moyenne

%, mais avec de fortes disparités selon les revenus et l’âge puisqu’il atteint % pour les jeunes ménages les plus modestes, mais surtout selon la localisati­on géographiq­ue. Le prix moyen du loyer du mètre carré à Paris est de  € par mois, € en Seine-Saint-Denis par exemple. Dans un bourg rural du Maineet-Loire, le coût est de … € ! L’utilisatio­n de la voiture a donc été un arbitrage délibéré, largement compensé en termes de qualité de vie et de dépenses de loyer ou de capacités à devenir propriétai­re. Certains gilets jaunes pourraient utilement s’en rappeler.

Jeudi

Il était évidemment impensable que Pétain, quel que soit son rôle dans la bataille de Verdun, puisse être associé au souvenir de la guerre de -. Il restera pour l’éternité l’homme qui a fait de la collaborat­ion active avec le régime nazi le fondement de sa légitimité, qui a mis les forces de la puissance publique au service de la Shoah. Les combattant­s juifs qui s’étaient illustrés à Verdun ont été exclus de

l’armée, de la fonction publique, de la presse, des profession­s libérales avant d’être envoyés vers les chambres à gaz. Il est des forfaiture­s qu’on peut couvrir du manteau de l’oubli mais en aucun cas les crimes de Philippe Pétain, frappé justement d’indignité nationale en . Pour être tout à fait honnête cependant, reconnaiss­ons que les Français de l’époque chantaient avec entrain « Maréchal, nous voilà, tu nous as redonné l’espérance » et que si des enquêtes d’opinion avaient comparé les cotes de popularité de Charles de Gaulle et de Philippe Pétain, ce dernier aurait été plébiscité. L’indignité nationale était alors bien partagée et c’est la raison pour laquelle je tiens pour nuls et non avenus tous les palmarès de personnali­tés dont nous abreuvent les sondages. Les terres sont de sable où s’effacent les pas des vainqueurs et pour Philippe Pétain, c’est ce qui pouvait lui arriver de mieux.

Dimanche

Jour de commémorat­ion. Il y aura de fortes images mais elles seront désincarné­es. Le dernier poilu français

à mourir fut Lazare Ponticelli et il reçut des obsèques nationales le  mars  dans la cour des Invalides. Dix ans déjà… Cependant nous sommes encore nombreux à avoir connu des combattant­s de la « grande » guerre. Dans ma famille maternelle, mon arrière-grandpère, ses fils, ses gendres, tous tués. Ma grand-mère tournant les obus dans une usine d’armement. Mon grand-père paternel, quatre fois gravement blessé et renvoyé au front imperturba­blement. Je l’entends me raconter l’odeur pestilenti­elle du tunnel de Tavannes, la vie dans les tranchées, le bruit térébrant des obus. Toutes les familles françaises ont la même histoire : , million de morts parmi les soldats,   qui moururent par la suite de leurs blessures,   morts civils, , millions de soldats blessés. Rapporté à la population de la France d’aujourd’hui, c’est comme si un conflit armé causait  millions de morts et  millions de blessés. Notre devoir de mémoire est là : raconter à nos enfants, à nos petits-enfants ce que les images de la télévision ne pourront jamais rendre, sortir les photos, relire les lettres, mettre de la chair dans les souffrance­s. Il ne suffit pas d’inscrire simplement le nom de nos soldats sur les monuments aux Morts, il faut les faire revivre dans nos coeurs.

« Le principal poste d’un budget familial est le logement, en moyenne 18%, mais avec de fortes disparités selon les revenus et l’âge »

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