Nice-Matin (Cannes)

« J’ai toujours été ‘‘clean’’ »

- Recueilli par Ch. DEPIOT Photo : Cyril DODERGNY

Linford, vous avez fréquenté Monaco lors de votre carrière, et notamment le célèbre Meeting Herculis ? Oh oui, bien des fois. D’ailleurs, à chaque fois, avant des championna­ts importants, je m’entraînais ici en fait.

Vous avez  ans. Vingt ans après avoir arrêté, est-ce que l’ex-sprinter est rouillé ? Oh non ! Je me sens bien ! Pas de douleurs, je pense que j’ai bien pris soin de mon corps. Qu’est-ce qui vous a amené vers la course ? En fait, c’est une décision qu’on a prise à ma place. Ce sont mes professeur­s, à l’école, qui m’ont incité à courir car j’avais de bons résultats. Et chaque fois que je changeais d’école, on me disait la même chose. Vous n’aviez pas envie de devenir footballeu­r ? Oh si, moi, gamin, je voulais juste être George Best ! (star de Manchester United dans les années ) Mais ma mère m’a dit, non, Linford, pas le football... Vous êtes né en Jamaïque d’une famille

‘‘ jamaïcaine. Qu’est-ce que les Jamaïcains ont de plus ? Je pense qu’on est gens très déterminés. Et quand on est enfant là-bas, on est toujours dehors. Courir, c’est donc naturel. Mais cette culture du sprint, d’où vient-elle ? En Jamaïque, il y a toujours eu de grands sprinters, comme Don Quarrie, Lennox Miller. C’est une tradition. Votre record personnel sur  m est à ’’. Vous auriez pu faire mieux ? Oui je crois. La technologi­e a changé, aujourd’hui, les chaussures et les pistes d’athlétisme sont plus rapides. Mais vous savez, pour moi, l’important n’était pas de courir toujours plus vite ou de battre des records, mais juste de gagner. Expliquez à nos lecteurs sur quels axes un sprinter de votre niveau travaille ? Il faut travailler sur tout, en fait. Du haut, jusqu’en bas du corps. Un dixième de seconde, ce n’est pas grandchose, mais il faut vraiment bosser très dur. Votre meilleur souvenir, c’est le titre olympique ? Pas vraiment... Barcelone, c’était bien, mais pour ce qui me concerne, les championna­ts du monde que j’ai remportés à Stuttgart l’année d’après ont été un moment plus fort. C’était une course plus rude, avec plus de concurrenc­e. Comment Bolt a-t-il fait pour aller chercher le record du monde à ’’ ? Comme je vous l’ai dit, la technologi­e aujourd’hui est beaucoup plus efficace. Je ne dis pas qu’on aurait pu faire ’’ ou ’’, mais la compétitio­n est plus ardue aujourd’hui et donc, pour une médaille, Usain a eu besoin d’aller aussi loin. La limite humaine est dans ces eaux-là, niveau chrono ? Il n’y a pas de limite. Personne ne sait ce qu’un humain est capable de faire. Qu’est-ce qui définit un bon sprinter : la taille, la foulée, les muscles ? C’est un peu de tout cela. Il n’y a pas de norme. Il y a eu une époque où l’on disait qu’il fallait être grand, corpulent, là maintenant on dirait plutôt qu’il faut être petit et rapide... Quand on franchit la ligne, est-ce que le corps vous brûle, comme les nageurs ? Oh non, pas du tout ! C’est une bonne sensation, et spécialeme­nt quand vous gagnez. Qu’est-ce qui est le plus difficile : le départ, le milieu de course ou l’arrivée ? C’est une bonne question. Moi, j’étais un bon ‘‘finisher’’. C’est très technique un cent mètre : vous devez jaillir au départ, mais aussi être présent en milieu de course et surtout être très bon à l’arrivée. Pour moi, comme j’étais quelqu’un de costaud physiqueme­nt, les derniers  mètres étaient ma meilleure arme. Plutôt  ou  ? Le cent mètres a toujours eu ma priorité car chacun rêve d’être l’homme le plus rapide du monde ! Quel adversaire vous impression­nait ? Tous. Car chacun d’entre eux pouvait me battre. En finale tout le monde peut gagner. Vous avez été inquiété pour dopage : est-ce que cela entâche définitive­ment une carrière comme la vôtre ? (énervé, puis ferme) Jamais. Je n’ai jamais été dopé ! Ils ont menti ! J’avais déjà  ans, j’étais déjà retraité du haut niveau, je courais encore, mais juste pour le fun. La vraie histoire, je vous la raconte : le gars qui a fait le test à Dortmund, il l’a emmené chez lui, l’a mis dans sa voiture, puis dans son frigo... Ce n’est pas sérieux, ils ont menti. J’avais  ans, je n’avais aucune raison de le faire ! Linford, soyons sincères, comme dans le vélo, il y a quand même une culture du dopage dans le sprint que vous ne pouvez nier ? Non, non, non ! Je ne crois pas à votre théorie. Mais il y aura toujours des gens qui vont franchir la ligne... Des gens comme Ben Johnson, Marion Jones, Justin Gatlin sont tombés ! Mais je ne peux parler que pour moi, et je ne l’ai jamais fait. Quand j’ai décidé d’être un athlète, j’ai accepté les règles. Et je les ai suivies. Quand vous rencontrez des journalist­es, vous appréhende­z ces questions ? Oh non, pas du tout. Je suis clean. Mais les médias devraient plutôt mettre l’accent sur les choses positives que sur le dopage. Il faut faire le distingo : quand vous prenez froid et que vous devez vous soigner, il faut bien prendre certaines molécules. C’est aux instances de faire le tri et avec les technologi­es d’aujourd’hui, on devrait faire la différence. Mais le doute dans l’esprit des gens, sur tel ou tel record ou médaille, ça ne vous gêne pas ? Bien sûr qu’on peut se poser ” la question, c’est l’être humain qui est comme ça. Mais, le sport doit faire plus pour pouvoir s’aider lui-même. Moi, en tant qu’athlète, je sais ce qui pourrait être fait. Le meilleur sprinter de tous les temps, selon vous ? Le gars avec le plus de médailles, le plus rapide. Donc vous devez dire Usain Bolt, évidemment. En quoi a-t-il été différent des autres ? C’est une bonne question. Il est très grand, il a de grandes jambes. Mais en fait, il a la cadence d’un coureur plus petit. Donc il a tout !

Je préférais le  au m, car chacun a le rêve d’être l’homme le plus rapide du monde Moi, gamin, je voulais juste être George Best ! ’’ Concernant le dopage, il y a toujours des gens qui vont franchir la ligne...

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