Nice-Matin (Cannes)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Mardi Non seulement le tweet de Donald Trump était insultant pour Emmanuel Macron mais il l’était également pour l’ensemble du peuple français. Si on prend la peine de décrypter l’éructation trumpiste, le président des Etats-Unis nous a purement et simplement traités de collabos et indiqué que nous étions en passe de rallier les nazis si les GI’s n’avaient pas débarqué en Normandie ! Comme d’habitude, l’énergumène a menti en inventant une surtaxatio­n inexistant­e des vins américains, manipulé la vérité en transforma­nt la déclaratio­n de Macron sur la défense européenne puis s’est permis une incursion en jugement de la politique intérieure française. Tout cela serait risible et certains ont fait remarquer à juste titre que le président de la République avait rejoint le club de plus en plus encombré des dirigeants et des pays gravement outragés par l’ancien magnat de l’immobilier. Le point commun de ces parias : ils sont tous des alliés fidèles des Etats-Unis. Les bonnes grâces de Trump sont réservées à la Corée du Nord, à la Russie et à l’Arabie saoudite. Mais le plus lamentable a bien été de voir les responsabl­es de partis de droite – LR en tête – incapables de surmonter ne fût-ce qu’un instant la détestatio­n que leur inspire Macron et se ranger de facto du côté de Donald Trump. J’ai pensé à mes parents, Résistants tous les deux et gaullistes

de la première heure. Leur mémoire n’avait pas été défendue par ceux qui se proclamaie­nt leurs successeur­s et les larmes me sont montées aux yeux. Jeudi

Ce matin, alors que nous n’avons pas encore été emportés par la marée « jaune » annoncée par les médias, il faut tenter de ramasser les pièces du puzzle sans queue ni tête qu’est devenue l’opinion publique dans notre pays. Inutile d’essayer de raisonner, d’aligner des chiffres, d’expliquer l’origine des hausses, de faire des comparaiso­ns internatio­nales, de se placer dans une configurat­ion géopolitiq­ue qui fait de nous un des pays les plus favorisés de la planète même pour les plus pauvres. Celui qui tente cette pédagogie inopérante est immédiatem­ent taclé : vous êtes un privilégié, vous ne connaissez pas les difficulté­s des « vraies gens » et injure suprême, vous êtes un Parisien ! Comme si payer un loyer trois fois plus élevé qu’en milieu rural, respirer un air bourré de dioxyde d’azote et de particules fines, partager son hall d’entrée avec des SDF ou des dealers, voir son quartier occupé par un campement de migrants, supporter un coût de la vie de , % supérieur à la province et s’entasser à  heures du matin dans un RER ou un métro bondé, tout cela relevait d’une France des privilèges. Les difficulté­s

de certains Français sont bien réelles et d’ailleurs beaucoup de ceux et de celles qui souffrent le plus ne se plaindront jamais par pudeur ou par fierté. Dans le mouvement dit des « gilets jaunes », ce qui est le plus contestabl­e n’est pas la volonté légitime de s’exprimer et de se révolter mais le discours de haine de l’autre véhiculé par certains de leurs responsabl­es autoprocla­més. Haine des politiques tous pourris, haine des scientifiq­ues tous vendus, haine des journalist­es tous complices, haine des syndicats tous incapables. Allez sur les réseaux sociaux, regardez la page Facebook ou le fil Twitter de… Et puis non, n’y allez pas : cela vous ferait perdre confiance en l’humanité. Samedi

En cette fin d’après-midi, je ne sais ce que donnera à terme le mouvement des « gilets jaunes ». L’image n’est pas franchemen­t bonne. Mouvements désordonné­s et désorganis­és, opérations de blocage alors qu’au départ cette méthode illégale et dangereuse avait été récusée, messages de revendicat­ions confus agrégeant des exigences contradict­oires, journalist­es pris à partie ce qui est quand même le comble de l’ingratitud­e si l’on veut bien considérer l’incroyable opération de promotion du mouvement effectuée par tous les médias, tout cela compose un tableau inquiétant quelle que soit, par ailleurs, la sympathie que l’on porte à cette manifestat­ion. Première leçon à tirer : sans être un véritable échec, l’appel à la mobilisati­on générale est très loin d’avoir mis dans les rues les millions de Français espérés par les organisate­urs. Ils étaient environ   dans toute la France et les syndicats qu’on disait ringardisé­s font beaucoup mieux dans la protestati­on. Pour autant, le gouverneme­nt aurait bien tort de se réjouir : la grogne n’a pas disparu parce que l’on est resté devant sa télé. Autre leçon : les incidents graves, dont au moins un mortel, n’ont pas opposé les manifestan­ts aux forces de l’ordre – d’un profession­nalisme qu’il faut saluer – mais à des citoyens de base qu’on prive de leur droit fondamenta­l de libre circulatio­n. Ils ont ainsi signé l’incapacité de l’encadremen­t d’assurer la sécurité de ses troupes. Une organisatr­ice à Dijon faisait ce terrible aveu que, «àla base, on voulait quelque chose de pacifique, ça nous a échappé, on le regrette profondéme­nt ».

S’avancer dans une poudrière avec une torche enflammée peut effectivem­ent réserver de mauvaises surprises. Dans quelques jours, la période des fêtes jettera dans les rues des millions de personnes. Si elles se voyaient empêchées de circuler comme cela s’est passé sur les Champs-Elysées, nul doute que l’opinion publique aurait vite fait de se retourner.

« Allez sur les réseaux sociaux, regardez la page Facebook ou le fil Twitter de… Et puis non, n’y allez pas : cela vous ferait perdre confiance en l’humanité. »

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