Nice-Matin (Cannes)

Éric Léandri: «Avec Qwant, votre vie privée va le rester»

Qwant, le moteur de recherche européen hébergé en grande partie à Nice, promet de respecter la vie privée des internaute­s. Point d’étape et mode d’emploi avec le «boss», Éric Léandri

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Encore lilliputie­n mais toujours plus conquérant, Qwant se présente déjà comme une alternativ­e aux géants. Ce moteur de recherche européen et principale­ment azuréen leur oppose un bel argument: le respect de la vie privée. Pas d’adresse IP enregistré­e ni de collecte d’informatio­ns personnell­es. Une garantie d’anonymat pour les utilisateu­rs. Nice, la Région Paca, le ministère de la Défense ou la Région Ile-de-France l’avaient déjà adopté, c’est au tour de l’Assemblée nationale d’y passer. Tandis qu’une version dédiée aux juniors a toutes les chances de s’imposer dans les écoles, permettant de filtrer en temps réel tout contenu violent ou « adulte ». Fondateur et P.-D.G. de Qwant, Eric Léandri viendra en égrener les atouts ce mardi, devant le club des entreprene­urs Nice-Matin (#Hubbusines­sNM).

L’expansion se poursuit. Preuve du bien-fondé de votre idée?

Je vais vous dire comment je le vis, c’est très simple. On a dit qu’on ferait  à  % du marché européen en , on y va. Il y a encore beaucoup de boulot, mais le navigateur «Opera» vient de nous inclure dans sa liste de moteurs par défaut, ce qui représente pour nous  à  millions d’utilisateu­rs potentiels supplément­aires. Une ville italienne vient de basculer, d’autres suivront ; on accélère notre développem­ent sur l’Allemagne, on est en Chine, tout le monde nous demande d’aller plus vite, non pas pour tout remplacer mais pour qu’une alternativ­e soit possible. Le choix doit exister, Qwant est une option européenne.

Qu’est-ce que ça coûte de faire vivre un moteur de recherche?

Plusieurs millions d’euros rien que pour les serveurs, puisque toute notre infrastruc­ture nous appartient. À quoi il faut ajouter plus de  millions d’euros par an pour nos  ingénieurs. Si, demain, nous gérons le monde et non plus seulement l’Europe, ce sera  à  millions par an, y compris la bande passante.

Qwant est rentable?

Nous avons gagné de l’argent, avant de devoir beaucoup embaucher. Mais avec la vitesse de progressio­n que nous connaisson­s cette année, nous serons rentables en .

Comment gagnez-vous votre vie?

Si vous tapez «iPhone Xs», je vais vous en afficher avec des liens conduisant vers différents commerçant­s. Chaque clic sur l’un de ces «magasins» nous rapporte entre , et , €.

De quoi faire de vous un Bill Gates à la française?

De quoi faire de nous une start-up européenne qui devrait valoir suffisamme­nt. Ce qu’on espère, c’est  start-up à  milliard plutôt que  start-up à  milliards. Soit plein de boîtes qui travaillen­t ensemble et non pas une seule qui contrôlera­it tout. C’est ainsi que l’Europe a grandi.

L’avenir de Qwant passe par Nice?

Bien sûr! Nous allons nous installer dans des locaux de  m audessus de la Fnac, avenue JeanMédeci­n, ce qui portera notre surface à  m à Nice. Nos plus grands bureaux en Europe, sachant que nous sommes aussi présents à Paris, Épinal, Rouen, Berlin, Milan, Ajaccio. Parmi nos développeu­rs,  travaillen­t ici et ce chiffre augmentera d’une trentaine l’année prochaine.

Maintenant, Qwant pour les nuls… Comment ça marche?

Vous allez sur Internet et vous tapez soit qwant.com en haut, soit «Qwant» dans votre barre de recherche. Faites «enter» et vous verrez en haut à droite que vous pourrez nous choisir comme moteur par défaut. Désormais, toutes vos recherches passeront par Qwant.

Et pour quel bénéfice?

Ce n’est plus vous que l’on va «tracker» sur Internet. Autrement dit, vous allez pouvoir chercher ce que vous voulez, sans que vos données ne soient partagées. Il y a deux façons de le voir. Si vous êtes parano, vous vous direz qu’enfin, on ne saura plus ce que vous faites. Si vous l’êtes un peu moins, vous aurez la satisfacti­on d’accéder à de vraies bonnes affaires. Imaginons que vous ayez besoin d’un hôtel à Nice, on ne vous proposera pas une chambre hors de prix en vous racontant que, ce soir, tout est plein. Car le «tracking» est un moyen de vous vendre très cher ce que vous pourriez trouver à meilleur compte ailleurs.

Quid des sites X ?

Si vous en recherchez via notre moteur, personne ne le saura. Votre adresse IP est, en quelque sorte, votre numéro de téléphone sur Internet. Ce numéro, nous le transformo­ns en un algorithme compliqué qui ne nous permet pas de revenir jusqu’à vous. En d’autres termes, nous ne sommes pas capables de vous «rappeler». Cela étant dit, quand on pose la question autour de soi, les sites X, personne n’y est jamais allé. Donc, aucun problème. Même s’ils représente­nt  % des recherches après  h !

Tracer, c’est traquer?

Le problème, c’est que ça ne s’arrête jamais. Pour rester dans «l’adulte», voici un exemple. Aux États-Unis, sur un réseau de rencontres gay, Grindr, des membres mentionnai­ent leur séropositi­vité en vue de relations entre personnes consentant­es. Ces informatio­ns, qui peuvent intéresser un banquier ou un assureur, ont été revendues à des partenaire­s. En France, on ne pourrait pas le faire, c’est interdit par la loi. Or, il y avait des Français parmi les membres du réseau. Dans la mesure où nous sommes les seuls à respecter parfaiteme­nt le règlement général sur la protection des données en Europe, avec nous, le risque est zéro.

Dans une affaire criminelle, est-ce un frein pour l’enquête?

Sur Internet, le moteur de recherche n’est qu’une sorte de carte qui vous emmène quelque part. Le problème, ce n’est pas la carte, mais l’endroit où vous vous rendez. Trouver chez nous un site djihadiste ou pédophile, ce sera très compliqué. Et si tel devait être le cas, nous le signalerio­ns nousmêmes, comme la loi nous y oblige. Par ailleurs, il faut comprendre que vous êtes protégé pendant votre recherche. Et non pas sur le site criminel que la police est peut-être déjà en train de surveiller. Nous ne sommes pas une difficulté pour les forces de l’ordre. Seulement pour les gens qui veulent savoir ce que vous faites au quotidien et dans votre vie privée, et que vous n’avez aucune raison de partager avec la planète.

Avec nous, le risque zéro ” ‘‘grands À Nice, nos plus bureaux ”

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(DR)

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