Nice-Matin (Cannes)

«Le jour où ça devient une galère je ne le ferais plus»

Ancien décathloni­en de niveau internatio­nal, l’Antibois William Motti transmet aujourd’hui ses connaissan­ces aux jeunes de l’Esperance Racing Athlétisme avec la même passion qu’à l’époque

- PROPOS RECUEILLIS PAR VIVIEN SEILLER sports-antibes@nicematin.fr

William Motti a la voix enjouée. Le teint frais dès le lundi matin. Paré pour une nouvelle semaine de travail qui n’en est pas vraiment une. Fort de son passé de décathloni­en olympique, l’Antibois d’adoption transmet depuis des années sa passion aux jeunes des écoles antiboises et de l’ERA [Esperance Racing Athlétisme]. Si sa carrière profession­nelle est terminée depuis des années, l’ancien spécialist­e du saut en hauteur reste impregné par son sport et se félicite de voir la nouvelle génération truster les podiums.

Est-ce qu’il vous arrive de quitter les pistes d’athlétisme ?

Ah oui, souvent. Mais quand je les quitte c’est pour retourner dans les écoles et faire faire du sport aux enfants. Finalement je n’en fais pas beaucoup pour moi. Je joue au hand pour le plaisir mais je ne vais pas faire du vélo ou courir à outrance.

Question de temps ou d’envie ?

Plus l’envie. J’ai envie de me faire plaisir mais je n’ai pas envie d’aller m’entraîner. Par contre j’adore aller faire du ski, ça, c’est mon plaisir. C’est la liberté.

Qu’apprenez-vous aux jeunes ?

Les bases du sport, essayer de leur donner le goût. Pas le goût à l’effort mais qu’ils prennent du plaisir quel que soit le niveau. Il y a des enfants qui ne sont pas très bons mais ça ne fait rien, il faut les

‘‘ encourager. J’entraîne à l’ERA Antibes depuis  ans.Ilyades jeunes que j’entraînais à - ans qui sont aujourd’hui entraîneur­s. Le jour où ça sera une galère je ne le ferai plus.

« Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. » Cette

citation vous caractéris­e bien ? C’est beau ça [sourire]. C’est exactement ça ! Quand je parle à mes amis je ne dis pas que je vais au travail.

Les jeunes vous connaissen­t ?

Il y en a beaucoup qui ne savent pas qui je suis mais quand il y a les grandes compétitio­ns ils disent souvent un petit mot gentil à la télé. Les petits se disent : « Oh, ils ont parlé de toi. »

C’est compliqué d’obtenir une légitimité sans parler du CV ?

Ça peut mais en général ça accroche plutôt bien avec les jeunes. Quand ils le savent ils sont quand même contents de savoir que leur coach représente quelque chose. Ce n’est pas parce que tu as fait les Jeux que tu es un bon coach mais tu as quand même une certaine expérience.

Transmettr­e c’est une façon de continuer à exister ?

C’est vrai. Ça me plaît mais je ne suis pas nostalgiqu­e du temps passé. J’ai tourné la page, je n’en parle jamais, chez moi il n’y a pas une coupe ou une médaille… Je ne regrette rien mais c’est vrai que ça me plaît de transmettr­e. Et puis tu as aussi un retour : le bonheur des enfants, leur réussite au-delà de la compétitio­n. Certains ont - ans et me parlent de ce que j’ai pu leur apporter quand ils avaient  ans, ils me disent que ça leur a permis de devenir des bonnes personnes. C’est ce qui compte, plus que la performanc­e.

Qu’est-ce qu’il vous reste de ces années - à titre personnel ?

Vraiment de beaux souvenirs. De bons moments et de belles rencontres. Je repense plus à l’amitié et à ce qui est resté avec les anciens decathloni­ens : l’Américain Dan O’Brien, le Canadien Michael Smith, l’Allemand Paul Meier, le Français Alain Blondel…

La nouvelle génération prend le relais avec Kevin Mayer () !

C’est vrai. Il y a

‘‘ Kevin Mayer mais il y a aussi eu Romain Barras avant lui. Je l’ai eu tout jeune en stage et quand il est devenu champion d’Europe dix ans après il m’a envoyé un petit mot. C’est sympa. Kevin aussi, sa maman m’a envoyé un petit mot. C’est un bon gars, un super mec d’une bonne famille. C’est bien pour le sport. Il a frappé fort et il peut encore faire mieux. Ça fait des années que je parle de lui, quand il était jeune je disais : « Le petit Mayer, il faut l’avoir à l’oeil ! »

On pouvait gagner sa vie à l’époque grâce au décathlon ?

On pouvait plus facilement gagner sa vie que maintenant. J’étais toujours dans les cinq à dix meilleurs mondiaux et tu pouvais gagner ta vie avec ça. Pas des fortunes mais tu pouvais vivre très correcteme­nt. Aujourd’hui, soit tu es champion olympique et tu gagnes dix fois plus ou alors tu es en dessous et tu as que dalle !

Vous auriez aimé être en haut de l’affiche aujourd’hui ?

[Il sourit, puis réfléchit] Non, moi je ne regrette rien même si on était dans un cadre différent. Maintenant tu fais un truc à l’entraîneme­nt tu le filmes, il y a Facebook, Youtube… Nous, il n’y avait pas ça. Tout ce que tu faisais c’était dans ton coin. J’aurais sûrement fait des conneries en faisant le malin.

Comment se sent-on après une carrière de décathloni­en ?

J’ai le genou en compote, j’ai eu une prothèse, mais sinon le reste va bien, je me sens en forme. Je ne bois pas, je ne fume pas, je mange correcteme­nt. Je reste à peu près en forme. Ça aide pour se sentir bien.

Votre fils Julyan est toujours basketteur profession­nel ?

Il jouait à Blois en Pro B et comme il avait besoin de plus de temps de jeu il est parti à Tarbes, en Nationale . Il a beaucoup appris en Pro B mais il est arrivé à une période où il devait jouer. À Blois il a fréquenté Benjamin Monclar et moi j’avais fait les Jeux de Los Angeles avec son papa Jacques qui était basketteur ().

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(Photo Eric Ottino)

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