Nice-Matin (Cannes)

De l’art... tête aux pieds

Artiste contempora­in, il livre sa vision de la société à travers des oeuvres vraies, pensées et engagées

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Si David David a poussé là où le béton cache les nuages, il a toujours préféré y regarder les étoiles. Natif de Nancy, ce môme made in Jarville ne renie en rien son vécu. Normal : son protoplasm­e, c’est la sincérité. Alors, oui l’école n’a jamais été son truc. Oui, il a pris football LV1. Oui, sa rencontre avec l’art a pris place en bas des blocs. Où se cultive la culture hip-hop à grand renfort de kickeurs, breakdance­urs, graffeurs... « J’étais ado, les policiers nous encadraien­t l’été dans le quartier pour nous faire faire des activités. Un jour, ils nous ont proposé de peindre sur un mur avec des pistolets en plastiques. » La claque. « Les couleurs m’ont apaisé. » Bitume balafré. Saveur d’inaccessib­le. « L’art c’était trop loin... » Mais il s’est prouvé avec panache qu’il avait tort. Après avoir déménagé à Metz, il s’approche du concret : les antiquités. Formé à St-Ouen, il se lance dans la revente en sa Lorraine de toujours. À quatre mille pieds de toute idée de création. Puis, la crise passe par là... Et comme il n’est franchemen­t pas du genre à faire les choses sans envie, il tente le grand saut. Mieux vaut risquer le tout pour le tout que risquer de s’enliser dans la morosité. Sa came à lui, c’est la liberté. Aux côtés de sa compagne, et désormais agent, Lindsay, il décide de partir à SaintJean-de-Luz (64) réaliser une formation en fonderie. « On a vendu ce qu’on avait pour financer tout ça, le matin du départ il nous manquait encore des sous », s’amuse-t-il en lançant un regard complice à son binôme. C’est là que tout s’est joué. « On devait réaliser une sculpture et en dix minutes j’ai sorti quelque chose, j’ai compris. » Il s’est entendu créer. Ça a résonné. « Mais je n’ai pas pu trouver d’atelier chez nous... » Qu’à cela ne tienne : une décision coup de tête, coup de coeur. Et 800 kilomètres plus tard, le duo débarque à Juan-les-Pins. Un café au Pam Pam, un appart’, une confiance accordée par un fondeur de Golfe-Juan. Ère transitoir­e. « J’avais encore quelques antiquités, alors j’y mélangeais mes sculptures lorsque je vendais », raconte l’autodidact­e qui thésaurise les émotions pour matérialis­er des allégories. Bronze, aluminium, fibre de verre, polystyrèn­e... et innovation. Seau de la création, sceau de la revendicat­ion. Son personnage au visage couvert par un pot de peinture gagne du terrain. Il pourrait s’en contenter. Mais ce n’est pas non plus son genre. Cravacheur, il donne corps à ses pensées dans son atelier vallaurien. Valorisant le propos à l’esthétique, l’artiste contempora­in remet en questions les certitudes. Éclaire ce que la société voudrait invisible. Comme la consommati­on dévorante, à l’image de ses personnage­s plongés dans des sacs Cartier Nord Marseille ou Hors Budget Paris reprenant les codes des marques de luxe. Sa nouvelle série ? Des toiles comme des éclats de mur. Des gravats gravant la grammaire du vécu. Témoins d’un passé. Muse urbaine : « Je reste attaché à la rue, j’ai envie de la montrer, de l’explorer. » Épris d’Arman, le poète de la matière parle de son quotidien avec un regard gourmand. « J’ai une chance de dingue. Regardez, je peux me mettre de la peinture partout ! » Ah oui, il faut aussi savoir que la bonne humeur ici c’est version XXL. Autodérisi­on, second degré, du naturel par pack de douze. Et les deux mots « For You » comme bannière. Comme mantra. Comme carburant. Ce furieux désir d’avancer pour aider. David David voit dans son statut d’artiste contempora­in, la chance de donner du sens, de rendre concret des projets d’entraide. En s’engageant sur le terrain de la solidarité. En toute humilité. La tête dans l’art, les pieds sur terre, le coeur sur la main. Trinité sacrée.

daviddavid.fr

Je reste attaché à la rue, elle m’inspire ”

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