Nice-Matin (Cannes)

Michel Polnareff... Enfin !

Après trois décennies de panne discograph­ique, le Roi des fourmis publie un nouvel album, original, flamboyant et démesuré. À son image !

- PHILIPPE DUPUY

Enfin ! Difficile de faire plus juste et plus concis pour le titre d’un album si longtemps attendu. 28 ans ont passé depuis Kamâ-Sutrâ, son dernier effort discograph­ique. Plusieurs fois annoncé, toujours repoussé l’album a (enfin !) été mis en ligne, hier, sur les plateforme­s de streaming. Et - surprise! on y retrouve Polnareff au sommet de sa flamboyanc­e et de son inspiratio­n la plus échevelée. On comprend pourquoi le Roi des fourmis a choisi d’en assurer la promotion à distance depuis Las Vegas: Enfin ! pourrait être la bande-son d’un spectacle du Cirque du Soleil ou d’un opéra rock, comme Vegas les affectionn­e. Et si l’on se demande ce qui a finalement poussé «Polna» à le sortir maintenant (alors que plus personne n’y croyait et que seuls ses fans les plus accros l’attendaien­t vraiment), c’est peut-être pour cela : parce qu’il fournirait la matière musicale et visuelle d’un nouveau spectacle qu’on aurait vraiment envie d’aller voir, plutôt qu’une troisième tournée best-of d’affilée...

11 chansons

Composé de 11 plages, l’album s’ouvre et se termine sur des instrument­aux épiques («Phantom» et « Agua Caliente »), comme à l’époque de Polnareff’s (1971). Ils donnent la tonalité musicale : résolument baroque. Trois titres sont déjà connus des fans : « Ophélie Flagrant des lits »,« L’Homme en rouge »et« Sumi ». Les deux premiers ont été entièremen­t ré-orchestrés et sonnent beaucoup mieux qu’en version originale. « Sumi » avait été dévoilé sur scène lors de la dernière tournée et bénéficie, dans sa version studio, d’un traitement sonore psychédéli­que, avec un récitatif à la Gainsbourg. « Grandis pas », le premier single, est l’une des deux chansons que Polnareff consacre à son fils chéri, Louka. C’est un piano-voix classique sur lequel on retrouve avec bonheur la voix du chanteur, sans filtres, ni effets. Elle n’a jamais mieux sonné ! « Louka’s Song », qui suit, est presque un instrument­al puisqu’on n’y entend que la voix filtrée du gamin. Difficile de ne pas avoir des fourmis dans les jambes en l’écoutant. « Longtime » est une super chanson (peut-être la meilleure de l’album), dans laquelle Polnareff se moque de ses pannes d’inspiratio­n (« Je trouve pas les mots/ J’écris n’importe quoi »). Si tournée il y a, c’en sera sûrement un des grands moments. « Positions » est une tournerie jazz digne des Aristochat­s qui s’étire sur plusieurs minutes, avec la voix mixée en arrière. Tant mieux vu le niveau des paroles ! Dans « Terre Happy », Polnareff fait parler la Terre pour délivrer un message écologique simpliste. Côté musique, c’est plus Le Roi des fourmis, c’est Le Roi lion ! Mais la voix grimpe très haut dans les aigus et, finalement, ça le fait.

Belle conclusion

La dernière chanson au format classique s’intitule «Dans ta playlist ». «Polna» y taquine gentiment Obispo (« Si j’existe, c’est d’être dans ta playlist») et la mélodie est super. Dommage qu’elle soit noyée sous des nappes de synthés. Là encore, le live pourrait lui rendre justice… À l’arrivée, Enfin ! est l’album qu’on n’espérait plus de Michel Polnareff : original, inspiré, décomplexé, musical, d’un culot monstre. Si ce devait être le dernier (et à la vitesse où il publie, il y a des chances que ce le soit), ce serait une belle conclusion à la mirifique discograph­ie d’un des derniers géants de la chanson française.

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(Photo AFP) Composé de 11 plages, l’album s’ouvre et se termine sur des instrument­aux épiques.

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