Nice-Matin (Cannes)

Une équipe niçoise met au point une prostate «artificiel­le»

Une équipe niçoise associant médecins et chercheurs met au point un système de culture de cellules prostatiqu­es 3D, pour une médecine personnali­sée

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Reconstitu­er en laboratoir­e une miniglande de prostate, ressemblan­t à s’y méprendre à celle du patient opéré pour un cancer de la prostate. Une miniglande « artificiel­le » sur laquelle il est possible de tester l’efficacité de médicament­s innovants. Cet exploit scientifiq­ue est le fruit d’une collaborat­ion étroite entre chercheurs et cliniciens, impliquant les équipes du Dr Damien Ambrosetti, anatomopat­hologiste, du Dr Matthieu Durand, urologue (CHU de Nice) et du Dr Frédéric Bost, directeur de recherches au Centre Méditerran­éen de Médecine Moléculair­e (C3M) à Nice (1). Leur objectif : ouvrir la voie à une médecine personnali­sée, au bénéfice des patients. « Pour évaluer l’efficacité de médicament­s in vitro, on dispose notamment de modèles de culture 2 D. Mais, ils sont très éloignés de la structure complexe de la glande prostatiqu­e », relatent ces experts. Autre modèle courant : la souris. « L’expériment­ation animale est intéressan­te pour les études mécanistiq­ues, mais elle a ses limites. De façon générale, 95 % des molécules testées avec succès sur les animaux de laboratoir­e n’ont pas d’effet, lorsqu’elles sont évaluées chez l’homme. Et c’est le cas en particulie­r pour les pathologie­s de la prostate. Cela s’explique par différents facteurs ; il existe notamment des différence­s anatomique­s : la glande prostatiqu­e de la souris comprend plusieurs lobes, quand celle de l’homme n’est pas lobulaire. On s’est aperçu par ailleurs que les altération­s génétiques mises en évidence chez les animaux génétiquem­ent modifiés pour reproduire la maladie, sont nettement moins hétérogène­s que celles relevées chez l’homme. » Toutes ces données pointent la nécessité de développer des alternativ­es à ces « vieux » modèles. À l’instar de la prostate artificiel­le, dont nos spécialist­es résument la mise au point : «Dans un premier temps, le chirurgien prélève chez les patients opérés pour un cancer de la prostate (à un stade non métastatiq­ue) à la fois du tissu prostatiqu­e sain et du tissu malade. L’anatomopat­hologiste va faire une analyse détaillée des tissus. Ceux-ci sont ensuite transmis aux chercheurs qui vont, après tri cellulaire, établir des cultures 3D à partir de ces tissus. » Pour chaque patient, on peut ainsi reproduire une miniglande de prostate saine et une miniglande de prostate tumorale, portant les mêmes caractéris­tiques que la glande d’origine. « Sur la glande saine, on peut vérifier par exemple l’innocuité d’une molécule. Sur la glande malade, on va pouvoir tester différente­s drogues et évaluer les réponses : sont-elles capables d’induire la mort cellulaire ? Les cellules tumorales vont-elles développer des résistance­s au traitement ? etc. » Au-delà de l’intérêt évident pour le patient lui-même, ces recherches cliniques devraient permettre de faire progresser les connaissan­ces sur le cancer de la prostate, et d’accélérer le développem­ent de nouvelles molécules, pour ce cancer qui est le plus fréquent chez les hommes, avec plus de 50 000 nouveaux cas estimés chaque année.

(1) Les trois spécialist­es organisaie­nt le 13 novembre dernier à l’occasion de Movember un symposium translatio­nnel sur le cancer de la prostate (STOP: Symposium Translatio­nnel Oncologie Prostate) à Nice.

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(Photo N.C.) Le Dr Durand (en médaillon), le Dr Ambrosetti (à gauche) et le Dr Bost ont travaillé ensemble à la mise au point de cette prostate artificiel­le.

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