«Gilets jaunes ou lycéens, on est tous citoyens»
Quelque 1 400 lycéens ont manifesté hier à Grasse età Cannes, avec quelques « gilets jaunes » venus les encadrer. Dans leur ligne de mire, le portail Parcoursup et la réforme du bac en 2021
Le mouvement des «gilets jaunes» aurait-il planté les graines du soulèvement lycéen? Pas impossible mais c’est avec leur propre revendication que quelque 400 lycéens ont envahi les rues de la ville hier dans la matinée. Tout a commencé devant le lycée Amiral-de-Grasse, dès 8 heures, où 200 jeunes ont, dans un premier temps, décidé de manifester devant l’établissement avant d’en barricader l’entrée. Ils se sont ensuite dirigés vers le rond-point des 18 et 23e bataillons des chasseurs alpins, face au commissariat, bloquant ainsi la circulation.
« Nous sommes inquiets pour l’avenir »
«Nous manifestons aujourd’hui pour deux raisons, expliquent Gauthier, Michael et Bastien, respectivement en terminale S, STMG et ES. La loi ORE [Orientation et Réussite des Étudiants] avec Parcoursup ainsi que la réforme du bac en 2021. Avec ce portail d’orientations, 150000 élèves n’avaient pas d’affectations cet été. Ajouté à ceci, la diminution des bourses scolaires, l’augmentation du prix Plus de 1000 lycéens ont manifesté, hier matin, à Cannes. Ils viennent de Carnot, bien sûr, mais aussi des Côteaux, des Fauvettes, de Bristol ou encore de Jules-Ferry. Grâce aux réseaux sociaux Snapchat et Instagram, le rendezvous a été fixé à 7h, devant le lycée Carnot, avant de défiler dans la ville. Depuis la manifestation de vendredi, le ton est monté, le propos s’est durci et le nombre de manifestants a été multiplié par huit. Au long du parcours, le rejet de la politique du gouvernement est manifeste. Celui-ci ne s’étend, d’ailleurs, pas à la France en tant que nation, mais cible sa gouvernance. À 9h30, les lycéens ont descendu le boulevard Carnot, en direction de la mairie. Dans le cortège, la vindicte lycéenne résonne avec force aux cris de « Macron démission » ou encore de « Jeunesse d’aujourd’hui, futur de demain » entrecoupés d’une Marseillaise entonnée à gorges déployées. Au bas du boulevard, les adolescents bloquent la place du 18 juin, et la circulation adjacente. « Continuez, nous aussi on afaitçaen68!» s’égosille une passante, en direction des manifestants.
Faire entendre leur voix
Le but, ici, est de se faire remarquer, avec fracas, puisque comme le revendique une lycéenne de Carnot des études à l’étranger et l’augmentation du coût de la vie en général. Nous ne sommes qu’au lycée et déjà nous sommes inquiets pour l’avenir. Tout cela va contre les codes de l’éducation.» Dans l’idée d’une action conjointe des lycées grassois, ils sont nombreux à avoir relayé cette manifestation via leurs réseaux sociaux. Des élèves des lycées Alexis-de-Tocqueville et Francis-de-Croisset se sont joints au cortège. Ce dernier est remonté vers le centre-ville faisant une halte au lycée Fénelon dans l’espoir d’augmenter le groupe de lycéens mécontents, sans succès. Le mouvement a marqué une pause vers le bas de l’avenue du Général-de-Gaulle (voir photos) avant de repartir vers l’Amiral de Grasse pour ensuite rejoindre le lycée Tocqueville.
La manifestation se poursuit aujourd’hui
«C’est important de les soutenir», affirme un membre des « gilets jaune ». Ils sont plusieurs à être venu encadrer la jeunesse qui se laisse parfois emporter par la fougue. «Gilets jaunes ou lycéens, c’est la même chose, nous sommes tous des citoyens. La détresse qui nous touche n’a pas d’étiquette. En France, nous mettons un gilet lorsqu’on est en panne. C’est notre cas à tous aujourd’hui. Personne ne nous a demandé de venir. Nous sommes venus pour encadrer le mouvement des jeunes et empêcher que cela ne dérape.» Une nouvelle manifestation est à prévoir aujourd’hui autour des lycées Amiral de Grasse et Tocqueville. « ce n’est pas parce qu’on n’a pas le droit de vote qu’on n’a pas le droit d’être entendu. » Face au parvis de l’hôtel de ville, sous bonne garde policière, les manifestants redonnent de la voix ... et du spectacle. Ici deux jeunes grimpent sur une statue, là un adolescent brandit un drapeau tricolore en se servant d’une poubelle de ville comme d’un skateboard. Il est 10h15. La manifestation prend de nouveau la direction du lycée Carnot après un passage devant la gare de Cannes et rue d’Antibes. Devant le portail des Côteaux, les jeunes manifestants se rassemblent en espérant gonfler leurs rangs. Pourtant, ils trouvent porte close. « L’État ne prend pas en compte la voix des jeunes. Même les “Gilets jaunes” ne sont pas entendus, si on ne réagit pas maintenant les réformes seront passées et il sera trop tard ! » regrette Adgel, en 1ère ES à Carnot et parmi les leaders du mouvement de protestation lycéen.
Revendications multiples
Face aux réformes du lycée et de la voie professionnelle, à la plateforme Parcoursup, au Service national universel, aux suppressions de postes dans le secondaire, ou encore aux tarifs des cantines et des transports en commun, les lycéens affichent un ras-le-bol général. À 11h, le groupe se dirige vers JulesFerry, mais le portail reste fermé à double-tour, malgré les sollicitations des manifestants « Vous êtes des lycéens ou des prisonniers » les apostrophe Joey, en 1ère STI à JulesFerry, à l’aide de son mégaphone. 11h30, même résultat devant Bristol. Le cortège, réduit à quelques centaines de lycéens, termine son itinérance, à 13h30, face à l’institut Stanislas. Malgré une interpellation d’un lycéen, qui a mis le feu à une poubelle devant le lycée Carnot, la grogne lycéenne s’est manifestée sans heurts. Gheorghe, en terminale S à Carnot, et leader du mouvement, l’affirme « En 1968 les premiers qui se sont levés ce sont les étudiants, 50 ans après, c’est notre tour, et macron va entendre parler de nous ! » A Nice, environ lycéens ont manifesté notamment sur la promenade des Anglais et la voie Mathis (voie rapide) - photo ci-dessous qui ont dû être partiellement fermées à la circulation. Trois interpellations ont été effectuées. A Cagnes, une centaine d’élèves des lycées Auguste-Renoir et AugusteEscoffier a accédé à l’autoroute par la barrière de péage de Cagnes-sur-Mer. La circulation a été interrompue dans les deux sens entre Antibes et Saint-Laurent-du-Var. Aucune manifestation n’a été signalée dans l’est du département.