Nice-Matin (Cannes)

Chantal Lebrat: l’édition comme une «Renaissens»

Après avoir parcouru le monde pendant 24 ans, en dissimulan­t une sclérose en plaques pour pouvoir vivre ses rêves, cette Cannoise se lance dans l’édition, pour changer le regard sur le handicap !

- CLÉMENT TIBERGHIEN ctiberghie­n@nicematin.fr

56 ans, Chantal Lebrat a eu mille vies. Journalist­e, responsabl­e de stratégie de communicat­ion, peintre ou encore écrivain, elle a toujours placé l’humanitair­e et plus précisémen­t l’humain au premier plan. Avec, en poche, trois diplômes de l’enseigneme­nt du second cycle universita­ire (lettres, droit et relations internatio­nales) et un diplôme de premier cycle en criminolog­ie, Chantal Lebrat passe plus de dix ans à travailler à l’étranger pour le Comité internatio­nal de la Croix-Rouge (CICR), puis pour l’Organisati­on pour la sécurité et la coopératio­n en Europe (OSCE). De la Tchétchéni­e au Kosovo, en passant par la Bosnie, l’Ukraine et la Biélorussi­e, elle est de tous les terrains, de tous les conflits.

Par-delà la maladie

Le thème du handicap touche particuliè­rement cette quinquagén­aire puisque, depuis l’âge de 26 ans, elle combat chaque jour une sclérose en plaques récurrente-rémittente d’évolution progressiv­e. Plus jeune, Chantal Lebrat est sceptique quant aux traitement­s, et cherche continuell­ement à aller de l’avant. «Si j’avais déclaré ma sclérose à 26 ans j’aurais fini en fauteuil, alors qu’aujourd’hui, je me déplace à trottinett­e!» Elle enchaîne les missions dans des contextes de guerre et dissimule sa pathologie auprès de ses collègues. « Les conditions de travail sur le terrain étaient telles que les délégués se devaient d’avoir une santé de fer ,se souvient-elle. Au moindre doute, un aller simple pour Genève nous coupait les ailes, et pour toujours. » Entre 2001 et 2007, elle travaille comme responsabl­e de stratégie de communicat­ion pour le ministère de la Défense. Pas question, pour la quinquagén­aire, d’être mise en invalidité. Elle parvient, une fois de plus, à dissimuler sa pathologie lors d’une visite médicale. Elle est envoyée en opération extérieure en Ossétie du Sud pendant six mois, en tant qu’observatri­ce militaire pour l’OSCE. Suivront la Jordanie et l’Irak. Elle continue, alors, de peindre, sur ses toiles, les scènes du quotidien d’une zone de guerre. Des silhouette­s, de la couleur, et une retranscri­ption déconcerta­nte du terrain apposée sur un carré de fibres de lin. En 2011, de retour au CICR, elle est forcée de quitter son poste au Kirghizist­an, après une aggravatio­n des symptômes d’une maladie qu’elle n’arrive désormais plus à cacher, Chantal Lebrat s’installe à Cannes.

Trop de tout

Son profil, riche mais atypique, a pourtant du mal à trouver preneur auprès des employeurs. « Trop d’emplois à l’étranger, trop de diplômes, ou peut-être trop de langues parlées, pour rentrer dans les critères des recruteurs français », regrette l’ex-officier. Elle a beau « traverser la rue », puis le pays, ses recherches d’emploi n’aboutissen­t pas. En 2014, elle reprend alors, à ASSAS, sa maîtrise de droit qu’elle avait interrompu en 1987. Elle rencontre, sur les bancs d’examen, Sophie-Victoire Trouiller, aveugle de naissance. Cette dernière lui propose d’écrire, conjointem­ent, un ouvrage sur le handicap et l’emploi. Pendant un an, elles épluchent la réglementa­tion en vigueur. Chantal y prend goût, et en juin 2017, elle se lance. Les éditions «Renaissens» étaient nées.

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(Photos Clément Tiberghien) L’atelier de Chantal Lebrat est une fenêtre sur une vie riche en aventures.

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