Nice-Matin (Cannes)

Jeff taille là où ça fait mal et... ça fait du bien !

Interview L’humoriste livre son humour corrosif à souhait avec son spectacle Costards sur mesure 2. À découvrir dès demain soir sur les planches du théâtre Le Tribunal

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Vous voyez le « politiquem­ent correct » ? Eh bien, vous ne risquez pas d’en trouver au menu du théâtre Le Tribunal cette semaine. Puisque dès demain, Jeff débarque avec son regard acéré pour tailler des Costards sur mesure… pour la deuxième fois ! Amateurs de Guillon et de Pratt, ouvrez grand vos oreilles, ça risque fort fort de vous plaire.

Votre truc, c’est le corrosif.

J’aime bien ce qui décoiffe un minimum, oui. Je donne mon avis sans donner de leçon. Le propos ? Faire rire avec des sujets pas forcément drôles au départ.

Vous aimez bien aborder les fameux sujets que l’on qualifie de “touchy”, ce terme bien à la mode ?

Alors justement, la mode ce n’est pas mon truc ! Donc non, je n’ai pas de sketchs sur les « gilets jaunes ». Mais j’aime beaucoup aborder ce qui gêne les gens, comme le handicap. Je parle d’un multi-accidenté en voiture qui porte toutes sortes de prothèses, avec leurs avantages et inconvénie­nts. J’ai aussi une nouvelle version où je parle d’un aveugle. J’avais joué devant des non-voyants – c’est comme ça qu’on dit maintenant, comme on ne dit plus fellation mais nom d’une pipe ! –, et c’est drôle parce qu’avant de rire, les autres personnes dans le public les regardaien­t pour voir si elles riaient et donc si elles pouvaient aussi faire de même. Une autre fois, un mec qui était en chaise roulante dans le public arrêtait pas de parler, il me perturbait durant le spectacle, alors je me suis arrêté pour l’interpelle­r avec un : « Toi tu fermes ta gueule ou j’te crève les pneus. » Certaines personnes étaient gênées autour. Mais pas lui, il est venu s’excuser à la fin du spectacle et était content que je ne l’ai pas épargné sous prétexte qu’il est handicapé. C’est la fameuse question : peuton rire de tout avec n’importe qui ? Sur scène je propose au public de me montrer qu’il n’est pas n’importe qui.

Côté écriture, vous fonctionne­z comment ?

Quand je me mets devant l’ordi c’est pour faire la vidange des choses que je laisse mûrir dans ma tête. En général, quand j’attaque un sujet je supprime les premières vannes qui me viennent. Si c’est évident, je ne dois pas être seul à y avoir pensé. Il faut aller où on ne nous attend pas.

Vous taillez aussi des costumes pour vous ?

Bien sûr, il y a un peu d’autodérisi­on ! Mais il y a aussi des gens dont je parle pas du tout. J’estime que certains ne méritent pas qu’on parle d’eux.

Vous ne cherchez pas la facilité…

Il y a des vannes « pour la vanne ». Mais je fais en sorte d’avoir un deuxième, voire un troisième degré de compréhens­ion. Pour autant, ce n’est pas à moi de l’imposer : chacun fait ce qu’il veut.

Vous devez le sentir selon les rires dans la salle ?

Après les dix premières minutes je sais à peu près comment la soirée va se passer. J’adapte un peu la façon de faire, si je sens qu’ils aiment l’humour très caustique je vais éviter de sourire par exemple.

Les gens sont de plus en plus friands de cela ?

Chacun réagit comme il veut, selon sa sensibilit­é. Je sais que sur le spectacle précédent, cela ne plaît pas à tout le monde quand je jouais le gars qui s’allumait plusieurs clopes en même temps : quand on a eu quelqu’un de proche qui est mort à cause du tabac, cela peut ne pas faire rire. Mais il n’y a pas de règle en la matière : ma maman décédée d’un cancer adorait ce genre de choses ! Cela permet d’exorciser aussi ! Ce que je ressens en ce moment c’est que les gens ont envie de penser à autre chose qu’à l’actualité. Avant, j’avais une grosse partie du spectacle basée sur l’actu. Je l’ai largement diminuée. Je ne parlerai pas de politique… Même si je dis que certains nous piquent un peu le boulot aux humoristes ! Comme disait ma grand-mère : depuis la mort de De-Gaulle, c’est le bordel qui est général !

Ça vous fait du bien ?

On dit que monter sur scène peut s’apparenter à une thérapie : des gens paient pour vous entendre dire des horreurs. Après je ne fais que donner mon avis, je n’oblige pas les gens à penser comme moi. D’ailleurs j’aime bien discuter après le spectacle. Notamment avec les personnes qui me disent : je ne suis pas d’accord… C’est intéressan­t !

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(DR) Jeff prend place sur les planches du théâtre Le Tribunal dès demain soir.

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