Nice-Matin (Cannes)

Colère des auto-écoles : « Ce n’est que l’acte I »

190 auto-écoles du départemen­t ont participé, hier, à une grosse opération escargot pour protester contre « l’ubérisatio­n » de leur profession. De nouvelles actions sont envisagées

- LAURE BRUYAS lbruyas@nicematin.fr

Ils étaient 2 000 à Paris, nous sommes presque 200 à Nice ! Merci pour votre mobilisati­on. Ce n’est que l’acte I… », harangue, au mégaphone, un syndicalis­te sur le rond-point à la pelouse pelée du centre administra­tif des Alpes-Maritimes à Nice. Tout autour, des voitures d’auto-écoles, warnings allumés et tous klaxons dehors, ballons noirs qui flottent à travers les portières et carrosseri­es bardées de slogans anti-Macron.

Et des moniteurs en colère. Remontés contre « l’ubérisatio­n » de leur profession, les patrons de 190 des 199 auto-écoles des Alpes-Maritimes ont mené, hier matin, une opération escargot depuis la gare de Drap-Cantaron et le stade Pierre-de-Coubertin à Cannes, causant de nombreux ralentisse­ments, notamment sur la promenade des Anglais. Dans leur (rétro) viseur : un rapport parlementa­ire, dont les conclusion­s n’ont pas encore été rendues publiques, mais qui pourrait « menacer les auto-écoles traditionn­elles au profit de plateforme­s en ligne ». Il est un peu plus de midi et les syndicats – le Conseil national des profession­s automobile-branche éducation routière (CNPA), l’Union nationale intersyndi­cale des enseignant­s de la conduite (Unidec) et l’Union nationale des indépendan­ts de la conduite (Unic) – sortent tout juste du bureau d’une collaborat­rice du préfet. « Nous lui avons exposé nos revendicat­ions », entame Frédéric Clauzier, le président départemen­tal du CNPA.

« Concurrenc­e déloyale »

Les points de crispation ? « Nous refusons que notre agrément départemen­tal devienne national. Cette mesure signifiera­it qu’on n’a plus besoin d’un local pour exercer. Ça veut dire : disparitio­n du lien entre le candidat et l’auto-école, disparitio­n de la proximité, au profit des plateforme­s en ligne sans suivi et sans accompagne­ment du candidat. »

Il y a aussi « la “désintermé­diation” des places d’examen : le candidat pourrait réserver seul sa place d’examen. Nous, profession­nels, nous présentons ceux qui ont le niveau. Là, chacun s’inscrira même s’il n’est pas prêt. Le taux d’échec sera plus important. ça va créer un embouteill­age. Quant au candidat, il devra reprendre des heures, ce qui lui coûtera plus cher que prévu. Au final, cette mesure va totalement à l’encontre de la baisse du prix du permis voulue par Macron », dénonce la tête de file du mouvement.

« L’auto-école pas chère, le permis pas cher, on n’est pas contre ! Mais ces plateforme­s, c’est de la concurrenc­e déloyale ! Des milliers d’autoécoles vont fermer, des milliers de moniteurs vont se retrouver au chômage ! », s’emporte Denis Lamat, responsabl­e de l’auto-école ES23 à Juan-les-Pins. Alexandra Biagi et Raphaël Lavenne sont les tout jeunes gérants de l’auto-école Raphaël qui a deux antennes à Mouans-Sartoux et à Pégomas. Ils « n’arrivent pas à se payer depuis des mois. Nos fonds de commerce ne valent plus rien. On a quatre salariés et on est assassinés par les charges : TVA, Urssaf… »

« Formation au rabais, sécurité au rabais »

Alors un acte II ? Le couple opine du chef : « S’il n’y a pas de changement, c’est sûr ! » « Ça ne plus durer, c’est un ras-le-bol général ! » , embraie, à côté d’eux, Josépha Scoffier, monitrice depuis « trente et un ans ».

« On vient nous taper dessus, on nous accuse d’être trop chers mais on fournit un pro de la conduite, un véhicule, une assurance, le carburant, etc. », argumente Simon Villard, patron d’Horizon, dans le quartier de La Madeleine à Nice. Chez lui, le « pack permis – code et vingt heures de conduite –, c’est 1 095 euros et je peux vous dire que je fais très peu de bénéfices dessus ! » Et d’ajouter : « Une formation au rabais, c’est aussi une sécurité au rabais ! » Une monitrice hausse les épaules : « Après, on s’étonne quand il y a des morts sur la route… »

 ?? (Photo Franck Fernandes) ??  des  auto-écoles du départemen­t ont mené, hier matin, une opération escargot qui a causé de nombreux ralentisse­ments, comme ici sur la promenade des Anglais à Nice.
(Photo Franck Fernandes)  des  auto-écoles du départemen­t ont mené, hier matin, une opération escargot qui a causé de nombreux ralentisse­ments, comme ici sur la promenade des Anglais à Nice.

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