Les questions qui se posent
■ Un trafic de date de naissances ?
Lundi 4 février, le procureur de la République de Nice a annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire sur les pratiques de la police aux frontières de Menton. Il avait été saisi en novembre par le syndicat des avocats de France (SAF), la Ligue des droits de l’homme, et trois élus : l’eurodéputée Michèle Rivasi (EELV), la conseillère régionale Myriam Laïdouni-Denis (EELV), et le sénateur Guillaume Gontard (DVG). ONG et avocats témoignent avoir constaté à maintes reprises que les agents inscrivaient une date erronée, rendant de ce fait le migrant majeur, et donc expulsable.
Me Mireille Damiano, du syndicat des avocats de France, affirme que les procédures prennent entre huit et dix minutes seulement. « Impossible, dans un si court laps de temps, de procéder à une analyse individualisée, et de respecter leurs droits. Notamment pour qu’ils comprennent ce qui leur est notifié. Difficile sans interprète ! », dénonce-t-elle. Du côté de la préfecture, on souligne que « les policiers et
gendarmes qui travaillent à la frontière accomplissent leurs missions dans le respect des lois et des exigences déontologiques, alors même que leur activité est très conséquente ». La Police aux frontières (PAF), contactée, n’a pas souhaité réagir. Me Diamano souligne que tous les policiers n’agissent pas à rebours des intérêts de l’enfant. « Certains tournent parfois la tête dans les trains, histoire de ne pas avoir à interpeller », explique-t-elle. « D’autres nous disent qu’ils n’en peuvent plus des conditions dans lesquelles on les oblige à travailler. »
■ La charge de la preuve inversée ?
Quand les migrants se déclarant mineurs, se présentant, ils passent une évaluation de « minorité » avec l’Aide sociale à l’enfance du Département. Selon la CNCDH (1), les associations ont fait état d’une gestion déshumanisée dans les Alpes-Maritimes, «avec une volonté de réduire les temps d’évaluation au détriment de la protection des enfants ». Selon la CNCDH, les entretiens, au cours desquels la présence d’un interprète n’est pas toujours garantie, durent environ 30 à 45 minutes. « Insuffisant » selon elle, certains mineurs ayant besoin de plusieurs entretiens « pour être à l’aise et pouvoir s’exprimer ». Dans ce contexte, la CNCDH dénonce une « tendance à l’inversion de la charge de la preuve par l’ASE (2) qui, au motif qu’il revient au mineur de prouver sa minorité, rejette de nombreux documents ».
■ Un fichier des mineurs isolés
Le décret permettant la création d’un fichier « biométrique » des mineurs isolés étrangers a été publié le 31 janvier au Journal officiel. Il permettra d’enregistrer l’état civil, la langue parlée ainsi que les images numérisées du visage et les empreintes à deux doigts.
Le conseil national des barreaux a déjà dénoncé un texte qui « formalise le traitement de ces enfants comme des “étrangers fraudeurs” plutôt que comme des enfants potentiellement en danger ».
■ La préfecture relativise
Sur le fait que le préfet ait été débouté l’an dernier par le tribunal administratif sur des décisions de reconduite jugées « illégales », Jean-Gabriel Delacroy, directeur de cabinet, interrogé, précise que ces décisions « sont aussi à mettre au regard des près de 50 000 interpellations réalisées à la frontière en 2017, ou des 29 000 interpellations réalisées en 2018. Depuis ces décisions, les personnes se disant mineures non accompagnées sont systématiquement accueillies pour examen de leur situation ». Et d’affirmer par ailleurs que les services de l’État « ont toujours pu compter sur l’appui du conseil départemental, avec lequel les relations sont confiantes et fluides ».