Nice-Matin (Cannes)

Le Départemen­t condamné pour homicide involontai­re

Le tribunal correction­nel de Nice a reconnu coupable, hier, le Conseil départemen­tal, après l’éboulement mortel dans un tunnel à 2 360 m d’altitude, à St-Etienne-de-Tinée ,en2014

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

C’est une décision rare. Hier après-midi, le tribunal correction­nel de Nice a reconnu coupables d’homicide involontai­re une collectivi­té territoria­le, le Départemen­t des Alpes-Maritimes et deux de ses cadres. Ils étaient quatre à être poursuivis : les deux autres ont été relaxés. Mais la défense devrait interjeter appel. Le 31 juillet 2014, à Saint-Etiennede-Tinée, l’effondreme­nt d’un tunnel ensevelit cinq personnes affairées sur un chantier, dans un tunnel, sur le sentier de l’Energie. Deux d’entre elles s’en sortent indemnes. Deux autres sont grièvement blessées. Jean-Philippe Bracchi, 53 ans, leur patron et ami, n’en réchappera pas. La disparitio­n de ce montagnard de Saint-Martin-Vésubie sera un choc dans le haut pays. Des imprudence­s ont-elles pu contribuer à cet accident dramatique dans le Mercantour ? Telle était l’épineuse question débattue devant le tribunal correction­nel, le 10 novembre dernier.

D’un côté, une famille endeuillée et des travailleu­rs meurtris dans leur chair et leur mémoire. De l’autre, quatre agents du conseil départemen­tal des Alpes-Maritimes (conseil général à l’époque des faits), responsabl­es à des degrés divers de la gestion des risques et des espaces naturels. Ainsi que le Départemen­t, cité en tant que personne morale.

Durant les huit heures d’audience, les quatre prévenus déclinent toute responsabi­lité, renvoyant tour à tour la balle dans le camp du géologue qui avait donné son feu vert aux travaux (lui n’était pas poursuivi).

Imprudence­s coupables

La partie civile et le parquet, au contraire, pointent une légèreté coupable dans l’attributio­n de cette délicate mission à la société Bracchi. Avec l’issue fatale que l’on sait.

Quelques jours avant le drame, cette société en difficulté financière avait décroché un important marché public : la restaurati­on des sentiers de randonnée. Mais ce chantier-là, Jean-Philippe Bracchi ne le sentait pas. Sa société n’était pas spécialisé­e en travaux acrobatiqu­es. Il avait exprimé ses réserves, levées après l’avis du géologue.

À l’audience, le procureur Thomas Bride requiert trois mois de prison avec sursis contre chacun des prévenus et 6 000 à 10 000 euros d’amende. Pour le Départemen­t, la facture s’élèverait à 75 000 euros. Le tribunal correction­nel présidé par Anne Vincent l’a en partie suivi dans son délibéré. Il condamne deux responsabl­es du conseil départemen­tal – le directeur et le sous-directeur du service de la gestion des risques. Il leur inflige trois mois de prison avec sursis et, respective­ment, 12 000 et 10 000 euros d’amende. Reconnu coupable également, le Départemen­t doit régler 40 000 euros d’amende. Un chef de service et son assistante sont, eux, relaxés.

Nouveau procès en vue

L’affaire n’en restera sans doute pas là. Me Gérard Baudoux, qui assurait la défense avec Me Christophe Pichon, attend de connaître les motivation­s du tribunal. Mais il annonce qu’il « interjette­ra vraisembla­blement appel ». Nouveau procès en vue, donc, à Aix-en-Provence. Le pénaliste n’en démord pas : « Ce dossier aurait dû être traité dans le cadre d’une informatio­n judiciaire, et non d’une enquête préliminai­re. Par ailleurs, je n’ai toujours pas compris que le géologue n’ait pas été poursuivi, car il a déclaré des choses symétrique­ment contraires aux déclaratio­ns de Mme Bracchi [la veuve du défunt]. S’il avait signalé la moindre dangerosit­é à ce moment-là, le conseil départemen­tal aurait arrêté les travaux. »

Sans surprise, la décision du tribunal est accueilie tout autrement par les parties civiles. Me Philippe Magnan, qui représenta­it avec Me Olivia Peraldi les proches de JeanPhilip­pe Bracchi, a annoncé la nouvelle à la soeur de la victime. « Elle était contente de voir reconnue la culpabilit­é, même si deux cadres ont été relaxés. Pour elle, “Justice est passée”, alors que tous étaient dans le déni. Après autant d’années de procédure, c’est une satisfacti­on. »

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(DR) L’effondreme­nt avait été fatal à Jean-Philippe Bracchi,  ans.

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