Regrets éternels
« Juppé n’était plus disposé à vendre son âme pour décrocher le Graal présidentiel. »
Les comme tombereaux la satisfaction d’éloges de ceux qui s’abattent qui se réjouissent sur Alain de Juppé, son renfort rue de Montpensier, ne masquent pas la réalité. Elle est cruelle : nous assistons à un enterrement. Juppé gagne ce cimetière des éléphants rejoint avant lui par deux autres grands balafrés de notre vie politique, Laurent Fabius et Lionel Jospin. Il ne s’agit pas de dire ici que le Conseil constitutionnel ne sert à rien. Simplement, y entrer, même avec faste, revient à passer d’acteur à arbitre. Une colle, au passage : qui pourrait citer les neuf sages en fonction ? () Leur engagement exigeant et austère, à mille lieues des algarades et des chausse-trappes politicardes, semble devoir aller comme un gant à l’ombrageux Montois. Telle est la paradoxale et bien amère victoire du « meilleur d’entre nous » : les Français, y compris ceux qui n’ont pas voulu de lui, plébiscitent sa dimension d’homme d’Etat. Au Premier ministre cassant et arrogant des années , a succédé l’image d’un poissard, victime de l’improbable et éphémère vague filloniste fin , alors que l’Elysée semblait n’attendre que lui. Son malheur a été rendu plus
cuisant le couronnement encore par express d’un ovni
tout juste quadra.
Plaies et bosses, pour une fois, n’y ont rien fait : il n’a pas suffi à Juppé d’être finir La responsabilité par couturé, s’imposer comme de à l’usure ce gâchis Mitterrand comme ne peut et le Chirac guide évidemment avant idoine lui, du être pour pays. imputée à la seule malchance ou à la cécité des électeurs. Juppé y a sa part. Pète-sec à ses débuts, l’échine assouplie par la suite, il n’a malgré tout jamais réellement trouvé la bonne distance avec les Français. Son dévouement pour Chirac fut exceptionnel, jusqu’à être condamné en dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris. On peut le plaindre. Un bémol cependant. Lui qui dénonce aujourd’hui « l’esprit délétère » et les bassesses de la vie publique s’en est accommodé à l’époque. Juppé est sans doute né trop tard. Il aurait pu être Président à la fin du siècle dernier. L’avènement du grand barnum politique, dans les années Sarkozy, avec son cortège d’outrances et de superficialité, le condamnait aux seconds rôles. L’orgueilleux Juppé a fait des efforts pour s’acclimater. Il n’était plus disposé toutefois à vendre son âme pour décrocher le Graal présidentiel. Le Conseil constitutionnel, à défaut de gommer ses regrets éternels, va au moins le réconcilier avec lui-même.
. Laurent Fabius, Nicole Maestracci, Michel Charasse, Michel Pinault, Jean-Jacques Hyest, Dominique Lottin, Corinne Luquiens, Lionel Jospin, Claire Bazy-Malaurie. Les anciens présidents de la République sont également membres de droit.