Nice-Matin (Cannes)

« Baisser la dépense publique pour diminuer les impôts »

Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, appelle les Français à dire où faire des économies pour mieux redistribu­er l’argent épargné. Et il défend sa feuille de route en faveur de l’emploi

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

Bruno Le Maire est, aujourd’hui, dans les Alpes-Maritimes pour une visite résolument placée sous l’angle de la baisse de la fiscalité au service du pouvoir d’achat. Point d’orgue de sa journée, il participer­a, à 18 h, à une réunion du Grand Débat, salle Ferrière, esplanade du Levant à Saint-Laurent-du-Var. Le ministre de l’Economie aura auparavant rencontré des étudiants de l’IUT de Nice, puis visité l’entreprise Europliage, spécialisé­e dans la serrurerie et la menuiserie.

Le chômage est en baisse de , point. Est-ce significat­if ?

C’est une bonne nouvelle. Pour la première fois depuis dix ans, notre taux de chômage tombe sous les  %. Le taux d’emploi de la population active est le plus haut depuis  ans ! C’est la preuve que nous pouvons tenir l’ambition fixée par le chef de l’Etat de faire reculer le chômage. C’est une motivation de plus pour poursuivre la transforma­tion économique du pays engagée depuis près de deux ans. Le projet de loi Pacte, pour la croissance et la transforma­tion des entreprise­s, va revenir en deuxième lecture à l’Assemblée. Il doit être l’occasion de mesures pour simplifier la vie des entreprene­urs, sur les seuils notamment, soutenir le financemen­t des entreprise­s, accélérer l’innovation de nos PME. L’objectif : créer davantage d’emplois.

Le gouverneme­nt a déjà pris des mesures pour le pouvoir d’achat. D’autres sont inévitable­s après le Grand Débat… Comment allez-vous les concilier avec le respect des caps budgétaire­s ?

Beaucoup a déjà été fait pour que tous les Français qui travaillen­t vivent mieux de leur travail. C’est la ligne de force de la politique économique que nous conduisons : le travail doit payer. La suppressio­n des cotisation­s d’assurance maladie et chômage sur les salaires, l’augmentati­on de la prime d’activité, l’exonératio­n de charges et d’impôt sur le revenu sur les heures supplément­aires, sont des leviers puissants pour augmenter le salaire net de tous ceux qui travaillen­t. Il y a une seule chose qui compte : que tous ceux qui travaillen­t voient à la fin du mois que la dernière ligne de leur feuille de paie a augmenté. Ensuite, à la sortie du Grand Débat, nous tiendrons compte des attentes des Français. Je souhaite que nous puissions baisser les impôts. C’est ce que nous avons commencé à faire. Mais pour cela, il faut baisser les dépenses publiques. Et donc identifier les dépenses publiques que les Français sont prêts à réduire.

Quatre-vingt-six députés appellent à rétablir une taxe carbone équitable. Votre avis ?

Nous sommes dans un moment d’échange. Il est sage d’attendre la fin du Grand Débat avant de prendre une position sur la question de la taxe carbone. Mais soyons clairs, l’ambition du gouverneme­nt d’accélérer le développem­ent des énergies renouvelab­les et de lutter contre le réchauffem­ent climatique reste entière. Dans mon domaine, nous travaillon­s avec le secteur financier pour amplifier les engagement­s sur la finance verte, afin de lutter contre le réchauffem­ent climatique.

Quel est, à ce jour, l’impact économique des manifestat­ions qui secouent le pays depuis mi-novembre ? De quelle façon allez-vous soutenir les villes et commerçant­s impactés ?

L’impact est lourd. Nous le chiffrons entre , et , point de croissance pour le dernier trimestre . Ces dégradatio­ns à répétition ont un impact direct sur notre économie. Un impact économique, mais aussi un impact sur le moral des Français et des commerçant­s. Elles doivent donc cesser. Elles ne sont bonnes ni pour notre activité économique ni pour notre démocratie. J’ai réuni les représenta­nts des maires de France et nous avons convenu d’une nouvelle méthode : un travail plus étroit entre le gouverneme­nt et les maires pour répondre aux attentes des commerçant­s. Plusieurs dispositio­ns ont déjà été mises en place : l’étalement du paiement des cotisation­s sociales,  millions d’euros débloqués pour des mesures d’activité partielle qui touchent   salariés dans   entreprise­s. Nous avons aussi demandé aux banques d’apporter la trésorerie nécessaire aux commerçant­s qui en ont besoin. Un plan d’action global avec le volet économique, mais aussi sécuritair­e et territoria­l, sera soumis aux maires d’ici à quinze jours pour qu’ils puissent l’amender. Ce plan prendra ensuite la forme d’une circulaire signée par le Premier ministre. Pourquoi ce refus d’obstacle de l’exécutif sur un retour de l’ISF ? Nous avons pris en  des décisions qui transforme­nt en profondeur notre fiscalité. Avec un objectif : alléger la fiscalité sur le capital pour que nos entreprise­s, en particulie­r industriel­les, puissent investir et innover davantage. La désindustr­ialisation est une des explicatio­ns de la crise des « gilets jaunes » et du malaise français. Elle a un coût économique. Elle a un impact sur les territoire­s. Elle a aussi un coût culturel, parce que c’est une culture ouvrière qui disparaît. Nous nous battons pour la reconquête industriel­le de la France. Mais elle ne sera pas possible sans capitaux pour la financer. C’est pour cela que nous avons mis en place le prélèvemen­t forfaitair­e unique, supprimé en partie l’impôt sur la fortune et décidé de ramener l’impôt sur les sociétés à  % d’ici à . Ces mesures doivent permettre à nos entreprise­s d’investir et d’innover. Ce choix stratégiqu­e ne peut pas être démonté petite brique par petite brique.

Comment allez-vous sortir de cette quadrature du cercle : une meilleure rémunérati­on des producteur­s, décidée par la loi Alimentati­on, sans grever le pouvoir d’achat des ménages ?

Nous avons effectué mercredi un premier bilan d’étape avec le ministre de l’Agricultur­e, Didier Guillaume, sur la mise en oeuvre de cette loi, avec les distribute­urs, les industriel­s de l’agro-alimentair­e et les représenta­nts agricoles. Le premier constat est positif. Le relèvement du seuil de revente à perte génère un prix plus juste pour nos producteur­s. C’est vrai sur le lait. Il faut maintenant que nous veillions à ce que d’autres filières en bénéficien­t, en particulie­r celles de la viande et des céréales. Enfin, il faut nous assurer que les dispositio­ns de la loi sur l’alimentati­on pourront bien s’appliquer sur les marques des distribute­urs. En tout cas, nous constatons que l’améliorati­on de la rémunérati­on des producteur­s n’a pas engendré d’augmentati­on forte des prix pour les consommate­urs.

Où en est la réflexion sur la suppressio­n de niches fiscales ?

Les niches fiscales représente­nt plus de cent milliards d’euros. Nous examinons toutes les possibilit­és pour aboutir à un système plus juste et plus efficace. Notre ligne est simple : les impôts doivent baisser. La pression fiscale sur les ménages comme sur les entreprise­s reste trop élevée même si, en , chaque ménage bénéficier­a d’une baisse moyenne d’impôt de  euros. Idem pour les entreprise­s, qui vont bénéficier de la baisse de l’impôt sur les sociétés. Nous sommes dans la bonne direction, mais il faut continuer.

L’idée d’une taxation de la plusvalue des résidences principale­s a été évoquée. Qu’en est-il ?

Je le répète, les impôts doivent baisser. Il serait étonnant que de la crise qui a émergé parce que la fiscalité sur les carburants était trop élevée sortent des propositio­ns de hausse des impôts. Notre cap est celui d’une baisse des impôts, financée par une baisse de la dépense publique, comme nous avons déjà commencé à le faire. Chaque euro épargné sur la dépense publique doit permettre la baisse des impôts et, au final, revenir aux Français.

Cette réduction de la dépense publique, où allez-vous la faire ?

Cela fait partie des sujets du Grand Débat. Les Français doivent nous dire quelles dépenses sont prioritair­es – sur la santé, l’éducation, la sécurité, par exemple – et quelles dépenses peuvent être réduites. Ils doivent nous dire quelles dépenses ils ne veulent plus financer. Car chaque euro que l’Etat dépense est un euro des Français.

‘‘ Les Français doivent nous dire quelles dépenses réduire”

‘‘ La taxe sur l’intéressem­ent supprimée”

Des mesures entrent en vigueur pour favoriser l’épargne salariale… Jusqu’ici, lorsqu’une entreprise versait de l’intéressem­ent à ses salariés, cette somme était taxée à  %. Nous avons supprimé cette taxe pour toutes les entreprise­s de moins de  salariés. Il n’y a donc plus aucune raison pour qu’une entreprise qui réussit bien ne verse pas de l’intéressem­ent à ses salariés. J’invite tous les chefs d’entreprise à se saisir de cette opportunit­é pour signer des accords d’intéressem­ent. Dans les seules Alpes-Maritimes, plus de   salariés sont éligibles à un accord d’intéressem­ent.

Après le rejet de la fusion entre Alstom et Siemens, vous voulez une refonte du droit européen de la concurrenc­e. De quelle façon ?

Nous avons besoin de champions industriel­s européens. Aucun n’a émergé depuis Airbus, alors qu’il en émerge aux Etats-Unis et en Chine. Je vais donc proposer, en lien avec nos partenaire­s allemands, des transforma­tions du droit européen de la concurrenc­e. Notamment la possibilit­é pour le Conseil des ministres européen de refuser une décision de l’autorité de la concurrenc­e européenne, s’il estime que cette décision n’est pas fondée et qu’il faut s’y opposer, au nom de l’intérêt industriel européen. Nous devons aussi développer une politique industriel­le européenne plus ambitieuse, avec plus de financemen­ts pour l’innovation et en protégeant nos technologi­es les plus sensibles. Il faut, enfin, rouvrir la question de la préférence communauta­ire, de façon à privilégie­r des biens industriel­s produits en Europe. Ce n’est pas du protection­nisme, c’est la défense de nos intérêts commerciau­x et économique­s. C’est une question de justice et de réciprocit­é.

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(Photo François Vignola) « Les impôts doivent baisser. »

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