Salle de prière : la Ville avance sa bonne foi
Nouvel épisode de la saga opposant « Bien vivre à Valbonne » et la municipalité : la Ville avance la distinction entre domaine public et domaine privé de la cité
Cela va bientôt faire sept ans que la commune de Valbonne - Sophia Antipolis est en conflit avec l’association « Bien vivre à Valbonne ».
Hier à Paris, le conseil d’État a examiné un pourvoi déposé par la commune et le rapporteur public a été sensible à son argument juridique portant sur la notion d’usage public de locaux municipaux.
Le contentieux repose sur une mise à disposition de locaux (rue Henri Barbara) par la mairie à l’association « Musulmans de Valbonne Sophia Antipolis ». Adoptée en juin 2012, cette convention prévoit la mise à disposition de locaux inoccupés qui accueillaient auparavant un restaurant interentreprise.
D’une superficie de 185 m2, ils comportent deux salles qui permettent la prière et la célébration des fêtes de la communauté. La convention, renouvelable par tacite reconduction tous les trois ans mais résiliable à tout instant si la collectivité le désire, prévoyait initialement un loyer annuel, mais l’association ayant réalisé des travaux de réhabilitation d’un montant équivalent à la valeur de la location, elle en fut finalement dispensée.
La question de la subvention « déguisée »
S’appuyant sur la loi sur de 1905 affirmant la laïcité de la République, « Bien vivre à Valbonne » a saisi le tribunal administratif de Nice au nom d’un abus de pouvoir caractérisé avec ce qui s’apparente, selon elle, à une subvention « déguisée » à une association cultuelle, ce qu’exclue la loi. Au nom du principe de laïcité, les textes interdisent en effet à une collectivité de venir en aide à l’exercice d’un culte. Les juges niçois ont donné raison à « Bien vivre à Valbonne » en novembre 2016, en notant le caractère « exclusif et pérenne » de la convention. La Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé cette lecture du droit. Déterminée à prouver sa bonne foi et son respect de la loi, la commune a développé dans son mémoire la distinction que la loi fait entre la notion du domaine privé de la commune et celle de domaine public.
En d’autres termes, cela revient à distinguer les lieux mis à la disposition du public pour des événements privés (salles des fêtes) et les lieux abritant des services publics (bureaux, salles de réunions etc.)
À travers cette affaire, le rapporteur public voit là l’occasion, visiblement attendue par les magistrats parisiens, de remettre en cause une jurisprudence née à Montpellier et « particulièrement ambiguë à interpréter ».
La commune s’estime dans les clous
Pour le magistrat parisien, il ne fait pas de doute que les locaux au coeur de ce contentieux font partie du domaine privé de la commune : « Ils ne sont pas affectés à un service public et étaient inoccupés ».
Dans ces conditions, on peut comprendre que les anciens locaux du restaurant interentreprise pouvaient être mis à disposition d’une association, à travers un bail et une convention prévoyant un coût de loyer conforme à celui du marché. S’estimant parfaitement dans ces clous-là, la commune insiste sur la non-pérennité du contrat, la convention contenant des conditions de résiliation applicables à tout moment.
Dans ce contexte, le rapporteur public a demandé l’annulation de l’arrêt de la cour d’appel de Marseille, et le renvoi de l’affaire devant ladite cour, pour une nouvelle lecture du droit. Décision dans les prochaines semaines.