Nice-Matin (Cannes)

Les criées aux fleurs avec leurs parfums d’autrefois

Un lundi sur deux, en alternance avec Il y a cinquante ans, le passé de la cité reste d’actualité

- RENÉ PETTITI

L’horticultu­re ou plus exactement la floricultu­re était autrefois l’activité majeure d’Antibes et de son canton : des producteur­s de fleurs partout, des serres à perte de vue. Pour que leur travail soit rentable, las d’être exploités par leurs acquéreurs intermédia­ires qui se rendaient directemen­t chez eux pour acheter leur marchandis­e et la revendre ensuite, ils décidèrent d’écouler directemen­t leur production en des lieux où ils pourraient établir eux-mêmes les prix en fonction de l’offre et de la demande. Trouver la solution idéale ne fut pas facile. Un Varois originaire d’Ollioules s’installa en 1926 sur le marché aux fleurs de la rue Aubernon (aujourd’hui Place Audiberti) et lança un procédé de vente qui avait fait ses preuves dans le Var, la vente aux enchères à la criée. Quelques années plus tard, en 1929 il créera avec MM. Pollet et Cau une société d’exploitati­on de la criée florale qui s’installa en 1931 au 15 avenue Mirabeau qui deviendra au fil du temps, la criée d’en bas. Parallèlem­ent, un autre lieu de vente des fleurs s’installera au 4 rue Sadi-Carnot, la criée du haut, ouverte le 15 octobre 1929.

Tiré au sort...

Au départ, son organisati­on était toute différente avec la vente au cadran, cette vente à enchères s’opérait sans bruit. « Sagement assis sur les gradins, les acheteurs regardaien­t défiler les lots et il leur suffisait d’actionner un bouton électrique pour projeter leur numéro sur le mur quand l’aiguille s’abaissait sur un chiffre à leur convenance ». Ce mode de vente n’eut qu’une existence éphémère suite à un désaccord entre les membres et la difficulté de faire tenir silencieux les Méridionau­x ! Le 12 novembre 1934, arriva une criée « bavarde » gérée par M. Pécoud et animée par M. Chaix. La deuxième guerre mondiale mit un temps un terme à cette vente qui ne reprendra lentement qu’à la Libération. Un nouveau départ se fera en février 1945 avec la venue de Théodore Falcini qui sut instaurer un climat de confiance entre vendeurs et acheteurs. Très tôt le matin, vers 4, 5 heures, chaque producteur amenait sa marchandis­e à vendre dans de grandes corbeilles (1,20 m X 1,00m) : des oeillets et des roses en grande quantité et des « fleurettes » (verdure, arums, tulipes, asparagus, giroflées, anémones, bleuets, mimosas…). Les corbeilles étiquetées étaient rangées sur les 3 étages d’étagères, chacune portait un numéro tiré au sort avant la vente pour déterminer l’ordre de passage afin d’éviter tout favoritism­e. La marchandis­e défilait sur un tapis roulant, passait devant les acheteurs et était présentée par le crieur. Les acheteurs intéressés surenchéri­ssaient suivant l’offre et la demande mais surtout en fonction de la qualité, tout cela sous l’oeil vigilant du crieur qui menait la vente, Victor Hermitte à la criée du haut, Félix Gallorchi à celle du bas. « Cet agent de liaison entre vendeur et acheteur a ce côté humain que les machines n’ont pas ». Une secrétaire notait le nom des acheteurs, les prix, la quantité et la qualité.

Ces ventes à la criée, suivant la quantité de marchandis­e à vendre, pouvaient durer un temps certain, surtout à des périodes où la vente des fleurs connaissai­t une demande accrue comme lors de la Fête des Mères ou de certains autres évènements festifs. Tout ce qui avait été acheté lors de la vente était dirigé sur Paris, Lyon, Lille, l’Angleterre pour le 1er choix, le moins beau était réservé à l’expédition ou à la vente locale. À l’issue de la vente, les producteur­s qui avaient été obligés de se lever très tôt, se retrouvaie­nt autour d’une table pour y déguster un savoureux et reconstitu­ant plat de tripes dans une ambiance animée et sympathiqu­e.

Clap de fin en 

Sans doute avec le déclin de la production florale et la désaffecti­on des acheteurs, les criées seront contrainte­s à la fermeture. La criée du bas, la criée Mouriès, fermera au début de l’année 1970, 10 ans environ avant celle du haut qui connaîtra le même sort en 1979.

Tous ceux qui voulaient écouler leurs fleurs avec ce système devront se déplacer à Nice avant que, grâce à une revendicat­ion des producteur­s antibois, une vente à la criée locale ne s’installe à la Fontonne en 1980. Ce nouveau lieu de vente avec le crieur Antoine d’Agostino ne durera que jusqu’au 15 octobre 1990, date à laquelle, il fermera définitive­ment ses portes. ■ Sources : Articles de Nice-Matin de Chantal Fazi et Serge Jausas (1987-1988). Malgré nos recherches, il nous a été impossible de trouver des photos des criées. Un appel est lancé à ceux qui en détiendrai­ent.

 ??  ?? Ici, des exploitati­ons florales antiboises au quartier de la Croix Rouge avec des cultures en plein air et sous serre. En médaillon, la criée de la Fontonne, la dernière à exister de  à la date de sa fermeture définitive le  octobre . (Photo collection René Pettiti)
Ici, des exploitati­ons florales antiboises au quartier de la Croix Rouge avec des cultures en plein air et sous serre. En médaillon, la criée de la Fontonne, la dernière à exister de  à la date de sa fermeture définitive le  octobre . (Photo collection René Pettiti)

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