À Cabris, à l’écart de l’agitation, « on respire »
Dans cette petite commune du pays grassois où « tout le monde se connaît, mais ce n’est jamais pesant », on met en avant la tranquillité, l’entraide et le mélange des générations
David Tasso, 45 ans, vit ici depuis toujours. Ou presque. Son père faisait le taxi à Cabris avant d’ouvrir son café, devenu restaurant. Lui, travaille le polyester et répare piscines et bateaux. Son attachement à la commune tient en peu de mots : «Ilya trente ans, on était 1 500. C’est toujours le cas aujourd’hui. »
Si la population, comme il le dit en blaguant, s’autorégule en laissant repartir les grincheux tandis que sont cooptés les nouveaux arrivants qui manifestent vraiment le désir de s’intégrer, la réalité est peut-être un peu plus contrastée. Son épouse Judith, d’origine slovaque, participe justement au nouveau recensement.
« Cabris, ça se paye »
Un mois de travail à quatre pour visiter les 966 logements de la commune. « Beaucoup de personnes âgées seules et de nombreuses résidences secondaires. » Ce qui, soit dit en passant, lui permet de vivre convenablement : « Je m’occupe d’entretenir des villas dont les propriétaires sont absents tout l’hiver. » Le couple a deux enfants. « Les petits, ici, on n’a pas besoin de les surveiller », dit Judith, qui se souvient d’un seul incident : «Unjour,les gendarmes nous en ont ramené un à la maison. Il faut dire qu’un homme était recherché après s’être évadé de prison. Le genre de chose qui se produit toutes les morts d’évêque...»
« Loin de rien mais, déjà, à l’écart de l’agitation des grandes villes » ,résume Judith, qui juge ce compromis idéal. Plus cher que Saint-Cézaire ou Saint-Vallier, l’immobilier de ce village affiche des prix comparables à ce que l’on trouve à Vence. « Cabris, ça se paye » , observe la jeune femme. « Ici, je fais ce que je veux, personne ne me pousse. Tout ce que nous avons, nous le devons à notre travail. Je suis partie de rien, mais je trouve qu’avec mon mari, on s’en est bien sortis », argumente Judith, qui veut le souligner : « En Slovaquie, il n’y a pas de CAF, ni de chômage. Si tu ne travailles pas, on te donne 20 euros par mois. »
Olivier Buccellato, dit Lulu, est un artiste peintre de 40 ans. Originaire de Grasse, il s’est implanté à Cabris après avoir bourlingué entre Paris et le reste de la France. Cet « amuseur mural », comme il se décrit, peint notamment des chats tout en multipliant les références à Basquiat.
Il est là, le bonheur ? «Il ne lui après une année aux Antilles. Son fils Shayne y a fait sa première rentrée scolaire. « C’est pour lui que j’ai voulu revenir. Pour qu’il puisse fréquenter une école de village, avec toute l’attention que cela suppose. Un choix stratégique », assure cette jeune maman «unpeuécolo» ,assistante de direction dans une entreprise de parfumerie, à Grasse. A-t-elle réussi sa vie ? « C’est une question très large. Je suis tentée de répondre oui, la famille étant pour moi le premier critère de réussite. Le reste, on s’en accommode toujours. »
Christelle, au village depuis quarante-deux ans, apprécie d’avoir pu offrir à ses deux enfants des jours tranquilles : « On respire, contrairement à Grasse, une ville tellement embouteillée ». Restauratrice, elle a repris un établissement où le Petit Prince a laissé son empreinte : « La comtesse de Saint-Exupéry y avait ses habitudes, elle venait régulièrement prendre son thé. »
La clientèle s’est renouvelée, le paysagiste Jean Mus ou l’architecte Jean-Michel Wilmotte ont remplacé la maman de Saint-Ex’. « Je ne repartirais pour rien au monde », jure Christelle.