Prix des carburants : l’alerte jaune
Et si ça repartait ? Un an après les premiers stigmates d’une colère sociale qui a plongé le pays et ses dirigeants dans la crise pendant de longs mois, le gouvernement met aujourd’hui tout en oeuvre pour éviter une hausse du prix de l’essence qui pourrait se révéler désastreuse. Alors que les « gilets jaunes » tenteront de réveiller, demain, une mobilisation aujourd’hui cantonnée à une poignée de groupuscules radicalisés, l’exécutif ne veut pas prendre le moindre risque. L’opération déminage menée hier à Bercy par le ministre de l’Economie auprès des acteurs de la filière pétrolière illustre bien la préoccupation actuelle du gouvernement. Anticipant l’augmentation liée à la crise saoudienne, Bruno Le Maire a prévenu qu’il ne tolérerait pas la moindre « hausse injustifiée des prix à la pompe et des prix du fioul domestique ». Un avertissement sans frais aux pétroliers, aux revendeurs et à la grande distribution qui pourrait être tentée d’augmenter opportunément la facture à la pompe. Rappelant que « beaucoup de nos compatriotes sont obligés de faire , kilomètres par jour », et que la « moindre variation de
prix a des incidences fortes », le ministre avait presque le coeur gilet jaune hier. Presque seulement. Car si l’Etat perçoit % de taxes sur l’essence, le gouvernement n’envisage pas une seconde de les diminuer. Et pour cause. Ainsi que l’explique Bruno Le Maire, « nous avons besoin d’argent pour financer la transition énergétique ». Dès lors, comment faire ? Histoire de souffler sur des braises encore chaudes, le Conseil des prélèvements obligatoires, émanation de la Cour des Comptes, estime dans un rapport rendu public mercredi qu’il serait judicieux de réactiver la hausse de la fameuse taxe carbone. Jetée aux oubliettes par un Emmanuel Macron au pied du mur, au plus fort de la crise des « gilets jaunes », celle-ci aurait dû faire rentrer milliards d’euros de recettes nouvelles dans les caisses de l’Etat. Pour le gouvernement, le spectre du retour de la taxe carbone constitue une perspective ô combien inflammable. Pas étonnant qu’il ait choisi d’écarter, du moins dans l’immédiat, cette idée explosive, remettant toute décision sur les sujets entre les mains de la Convention citoyenne. Cette nouvelle instance sera composée de Français tirés au sort à la fin du mois. Ils seront chargés, d’ici le début de l’année prochaine, d’établir des propositions en matière de transition écologique. En agissant de la sorte, le gouvernement ne prend pas un risque considérable. Difficile en effet d’imaginer que les citoyens choisiront euxmêmes de bon coeur de rétablir une mesure particulièrement impopulaire qui a mis une partie la France dans la rue l’an dernier. C’est ce qui s’appelle botter en touche.
« Pour le gouvernement, le spectre du retour de la taxe carbone constitue une perspective ô combien inflammable »